Les rapports d’activité annuels et quadriennaux couvrent les efforts substantiels qui ont été déployés dans les domaines de la gouvernance des migrations de main-d’œuvre, de l’application du droit du travail et de l’accès à la justice, ainsi que du renforcement de la voix des travailleurs et du dialogue social.
Ces changements ont déjà amélioré les conditions de travail et de vie de centaines de milliers de travailleurs, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour que tous les travailleurs puissent en bénéficier.
C’est un long chemin avec le Qatar – et les réformes et la coopération avec la communauté internationale sont effectivement importantes pour la région. Nous reconnaissons tous que nous ne sommes pas encore à la ligne d’arrivée, et nous nous appuierons sur cette base solide pour combler les lacunes dans la mise en œuvre, et faire en sorte que tous les travailleurs et les employeurs puissent bénéficier pleinement de ces réformes majeures.»
Ruba Jaradat, Directrice régionale de l’OIT pour les États arabes
Liberté de changer d’emploi
Auparavant, les travailleurs du Qatar devaient obtenir la permission de leur employeur pour changer d’emploi et quitter le pays. Il s’agissait des éléments les plus problématiques du système de parrainage par kafala qui rendait les travailleurs excessivement dépendants de leurs employeurs, créant ainsi des opportunités d’exploitation et de travail forcé.
Grâce à ces changements, le ministère du Travail (MOL) a approuvé environ 350 000 demandes de changement d’emploi présentées par des travailleurs migrants au cours des deux années qui ont suivi l’introduction de ces réformes. Cependant, de nombreux travailleurs se heurtent encore à des obstacles lorsqu’ils quittent leur emploi ou en changent, notamment en raison de représailles de la part de leurs employeurs.
Paiement des salaires
En mars 2021, le Qatar est devenu le premier pays de la région du Golfe à adopter un salaire minimum non discriminatoire qui s’applique à tous les travailleurs, de toutes les nationalités, dans tous les secteurs, y compris le travail domestique. Au total, 13 % de la main-d’œuvre – 280 000 personnes – ont vu leur salaire passer au nouveau seuil minimum depuis l’introduction de la nouvelle législation.
Les employeurs sont également tenus de transférer les salaires des employés par l’intermédiaire de banques qataries, ce qui permet au MOL de contrôler les transferts et de réduire les abus salariaux. Les pénalités pour non-paiement des salaires ont été augmentées et sont appliquées plus strictement. Un fonds créé par le gouvernement a déboursé 320 millions de dollars depuis 2019. Ce chiffre souligne l’ampleur de la question des salaires impayés dans le pays.
Sécurité et santé au travail & inspection du travail
Parmi les grandes priorités du programme figure la question de la sécurité et de la santé au travail (SST).
Une nouvelle législation offre aux travailleurs du Qatar une meilleure protection contre le stress thermique en interdisant le travail en plein air entre 10 heures et 15h30 du 1er juin au 15 septembre – de loin le plus grand nombre d’heures de travail interdites dans la région du Golfe. La législation fixe également un seuil au-delà duquel tout travail en plein air doit cesser, quelle que soit l’heure du jour ou de l’année.
Les campagnes d’inspection du travail menées au cours des étés 2021 et 2022 ont entraîné des arrêts de travail et des fermetures dans 338 et 463 chantiers respectivement pour non-respect de la législation sur les heures de travail interdites.
Grâce à la nouvelle législation et aux actions d’inspection, le nombre de patients admis dans les cliniques pour des troubles liés à la chaleur a considérablement diminué. Au total, 351 patients ont été vus au cours de l’été 2022, contre 1 520 patients en 2020 avant l’introduction de la législation – ce qui représente une baisse de 77 % en deux ans.
En ce qui concerne les données sur les accidents du travail et les décès, l’OIT a collaboré avec le gouvernement et d’autres institutions clés du Qatar pour publier un rapport qui présentait les données nationales les plus complètes disponibles sur la question pour 2020. Le rapport a également identifié un certain nombre de lacunes dans la manière dont les données sont actuellement collectées, et a proposé 20 recommandations sur ce qu’il reste à faire.
Accès à la justice
Avant la promulgation des récentes réformes du travail, les travailleurs disposaient de moyens limités pour porter plainte en cas de litige avec leurs employeurs. Au cours des dernières années, le Programme a vu le Qatar prendre des mesures pour améliorer l’accès des travailleurs à la justice en mettant en place une nouvelle plateforme en ligne permettant aux travailleurs de déposer des plaintes, et en créant de nouveaux tribunaux du travail pour régler les litiges.
Le nombre de plaintes déposées par les travailleurs a plus que doublé, en grande partie en raison de la plus grande facilité d’accès à la plateforme en ligne. Entre octobre 2021 et octobre 2022, le MOL a reçu 34 425 plaintes de travailleurs, la majorité étant liée à des salaires impayés. Sur le nombre total de plaintes, 66,5 % l’ont été avant ou pendant la conciliation. Près de 31 % des plaintes ont été transmises aux tribunaux du travail, qui ont tranché en faveur des travailleurs dans 84 % des cas.
Représentation des travailleurs
La loi qatarie ne permet pas aux travailleurs étrangers de former des syndicats ou d’y adhérer. Avant les réformes du travail, les plateformes de dialogue social et de représentation des travailleurs étaient extrêmement limitées. La nouvelle législation a conduit à la création de comités mixtes entre travailleurs et direction au niveau de l’entreprise. Cette législation, qui autorise l’élection de représentants des travailleurs migrants, est une première dans la région.
À ce jour, plus de 70 entreprises ont créé des comités mixtes, avec 613 travailleurs représentant plus de 40 000 employés. Des dizaines d’autres entreprises ont reçu une formation, en vue d’organiser éventuellement des élections.
Les défis à relever
Les rapports soulignent que tout le monde reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire pour appliquer et faire respecter pleinement les réformes du travail. Ils notent que parmi les principales priorités de l’OIT figurent la nécessité de veiller à ce que tous les travailleurs et employeurs puissent bénéficier des réformes de la kafala sur la mobilité de la main-d’œuvre, de rationaliser l’accès à la justice et le recouvrement des salaires dus, et de mettre pleinement en œuvre la loi relative aux droits des travailleurs domestiques.
L’OIT est prête à continuer à travailler avec le gouvernement, les travailleurs et les employeurs pour soutenir l’alignement des lois et des pratiques du Qatar sur les normes internationales du travail.
Contexte
En 2014, les syndicats internationaux ont déposé une plainte à l’OIT contre l’État du Qatar pour non-respect des normes internationales fondamentales du travail. Au cœur de cette plainte se trouvaient des allégations selon lesquelles la “kafala” ou système de parrainage permettait l’exploitation et le travail forcé, et que les structures réglementaires du pays ne détectaient pas ou ne résolvaient pas de manière adéquate les violations des droits du travail.
La plainte a déclenché une série de mesures dans le cadre du mécanisme de contrôle de l’OIT, notamment la décision du Conseil d’administration de l’OIT de déployer une mission tripartite de haut niveau au Qatar. Après une période d’intenses négociations, l’État du Qatar et l’OIT se sont mis d’accord sur un programme visant à promulguer d’importantes réformes du travail, qui a été approuvé par le Conseil d’administration de l’OIT, et a conduit à la clôture de la procédure de plainte en 2017. En avril 2018, l’OIT a ouvert son bureau de programme à Doha. Pendant trois ans, le bureau de l’OIT à Doha a fait rapport au Conseil d’administration.
Les réformes s’alignent et contribuent à la réalisation de la Vision nationale 2030 du pays, qui comprend des objectifs liés au développement d’une économie compétitive, diversifiée et fondée sur la connaissance.
Pour toute demande d’interview, veuillez contacter Marco Minocri, chargé de communication, Bureau de projet de l’OIT pour l’Etat du Qatar (minocri@ilo.org).