Dix ans après l’émergence de la première monnaie locale complémentaire (MLC) de France, il en existe aujourd’hui 82, utilisées par plus de 10 000 entreprises et associations, et près de 40 000 citoyens. Ces monnaies souhaitent à la fois renforcer l’économie locale et soutenir la transition vers une société plus écologique, solidaire et participative.
Alors que les acteurs du développement territorial cherchent à apporter des réponses concrètes aux nouveaux besoins des territoires, il semblait nécessaire d’évaluer la contribution des monnaies locales à la construction de territoires plus résilients.
Une étude pilotée par le Mouvement Sol
Né au milieu des années 2000, le Mouvement Sol fédère, représente et accompagne les monnaies locales dans leur développement. Grâce au soutien des Fondations Terre Solidaire et Crédit Coopératif, il a piloté entre octobre 2019 et mars 2021 une large étude sur l’impact social des monnaies locales.
Cette enquête, qui a mobilisé une cinquantaine de monnaies locales, met en lumière l’impact des MLC dans cinq grands domaines d’intérêt général : la citoyenneté, la solidarité, l’écologie, l’économie et les dynamiques territoriales.
Dès lors, les monnaies locales apparaissent comme un levier transversal de transition ; un levier dont tout acteur engagé peut se saisir pour renforcer son action, tout en augmentant, par là même, les externalités positives pour l’ensemble de l’écosystème territorial.
Revenons ici sur quelques-uns des impacts mis en lumière dans le rapport « Monnaies locales : monnaies d’intérêt général ».
L’impact des MLC dans cinq domaines d’intérêt général
La citoyenneté :
Les MLC ont une action d’éducation populaire, qui touche environ 40 000 personnes par an. Près de 7 adhérents sur 10 disent mieux comprendre les liens entre l’économie et les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques depuis qu’ils ont rejoint la monnaie locale.
De plus, la gouvernance participative de ces monnaies offre à leurs adhérents un nouvel espace d’expression démocratique, appliqué à l’enjeu monétaire. Les MLC concourent ainsi à renforcer le pouvoir d’agir des citoyens.
La solidarité :
L’impact des MLC en termes de solidarité est tangible : 25% des professionnels adhérant à une monnaie locale ont déjà rendu service à un autre professionnel du réseau, et 80% ont déjà recommandé un confrère acceptant la MLC.
La solidarité s’exprime également en dehors du réseau, auprès de publics en situation de précarité, notamment lorsque les monnaies locales s’articulent à des politiques publiques ou dispositifs locaux existants. A Grenoble, par exemple, un partenariat avec le département a permis de compléter des aides sociales en « Cairn ». Les bénéficiaires ont ainsi vu leur allocation bonifiée, et ont découvert de nouveaux lieux de consommation responsable.
L’écologie :
Les monnaies locales orientent la consommation vers des produits locaux et responsables : 48% des adhérents particuliers disent avoir augmenté leur consommation de produits locaux depuis leur adhésion et 36% leur consommation de produits biologiques.
Elles accompagnent également leurs adhérents professionnels à adapter leurs pratiques aux enjeux environnementaux à travers des ateliers thématiques, diagnostics RSE, éco-défis, etc. Aussi, 84% des adhérents professionnels ont adapté leurs méthodes de travail depuis leur adhésion à la MLC.
Enfin, un certain nombre de MLC soutiennent la création de projets écologiques sur leurs territoires, en mobilisant leurs réseaux, leurs compétences, ou en investissant une part de leur fonds de garantie sous forme de parts sociales dans des coopératives de la transition (comme la « Doume », dans le Puy-de-Dôme, qui a soutenu la mise en place d’une coopérative de tri du verre).
L’économie :
Fléchées vers l’économie réelle et locale, les MLC réduisent les « fuites monétaires » observées en euros. Ainsi, la richesse créée sur le territoire y circule davantage, au profit des acteurs locaux. Une étude réalisée sur deux territoires dotés d’une monnaie locale numérique montre que la MLC génère 1,25 à 1,55 fois plus de revenu sur le territoire que des paiements en euros.
In fine, 22% des professionnels adhérents aux MLC disent constater un effet visible sur leur chiffre d’affaires.
Les dynamiques de territoire :
En tant qu’outil transversal, les monnaies locales peuvent s’articuler à des dynamiques de transition variées (solidarité, énergie, déchet, relocalisation de la production,…) et être employées par des acteurs divers (réseaux d’agriculture durable, réseaux de l’insertion, finance solidaire, collectivités locales, établissements publics, etc.).
Les monnaies locales ouvrent alors un nouvel espace de concertation entre acteurs locaux, tout en leur offrant un levier d’action partagé pour répondre aux enjeux du territoire qu’ils auront identifié collectivement.
Perspectives
Le rapport d’enquête du Mouvement Sol met en lumière le caractère d’intérêt général des monnaies locales.
Sur la base des nombreux exemples du rapport, il s’agit désormais de créer et essaimer de nouvelles alliances entre les monnaies locales et l’ensemble des acteurs structurant le développement des territoires, dans des domaines aussi variés que la solidarité, l’insertion, la transition énergétique, l’agriculture durable, l’économie circulaire, la démocratie participative, l’éducation populaire, etc.
En effet, l’articulation entre monnaies locales et acteurs du développement territorial est réciproquement bénéfique : les acteurs locaux trouvent dans ce rapprochement un nouvel outil au service de leur action, et les monnaies locales une nouvelle manière de circuler au bénéfice du territoire.
In fine, l’impact social des monnaies locales est renforcé et l’ensemble du territoire bénéficie de leur circulation accrue.
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Pour en savoir plus, retrouvez sur le rapport complet l’impat social des monnaies locales sur le site du Mouvement Sol