A la question : c’est quoi une République ?, je réponds invariablement que d’abord et avant tout ce n’est pas une monarchie. Une monarchie est en soi un régime
politique conforme à l’organisation de la société humaine au sortir de la période néolithique. Elle a duré pendant plusieurs siècles dans presque toutes les régions du monde. Presque indistinctement.
En entrant en République, on tourne le dos à la société dirigée par un roi ou un empereur qui décide de tout et qui n’a aucun compte à rendre aux autres et qui se permet en plus d’affirmer qu’il est roi à vie et que ce pouvoir est transmissible héréditairement. Si nous avons cessé de chanter « God save the Queen » et « Britannia rules the waves » à partir de notre indépendance en 1968, nous avons vécu pendant 24 ans avec la Reine d’Angleterre comme chef de notre État. C’est grave. Il y a eu indéniablement un conditionnement idéologique et une «pratique monarchique de gouvernance » qui sont entrés dans notre inconscient collectif. C’est pourquoi que c’est grave.
Ce n’est pas non plus une théocratie, qui est un régime politique qui s’affirme sur le concept que le pouvoir émane de Dieu, qui fait que l’État est sous le contrôle de celui qui représente l’autorité religieuse. Dans les deux cas on tourne aussi le dos aux structures oligarchiques et dynastiques. Mais souvent, très souvent, les
régimes monarchiques ont été organiquement ou idéologiquement théocratiques. Je retiens souvent comme référence le régime du Pharaon Akhenaton
d’Égypte (1372-1354 av JC), qui imposa le monothéisme et qui s’affirma comme Roi-dieu ou comme Dieu-roi.
Notre pays est devenu une République en 1992. Nous avons fait quatre erreurs :
1) Nous n’avons pas changé de constitution pour passer à la Première République. Elle est restée essentiellement celle imposée sur nous par les britanniques après les élections de 1967. La population n’a rien eu à dire en 1967 et en 1968 et la population n’a rien eu à dire en 1992. Or une république se construit sur deux forces : la liberté de la personne retrouvée des individus et la décision de ces individus de tomber d’accord sur un protocole régissant leurs rapports sociaux, économiques, politiques, culturels, etc., entre eux couvrant un espace qui leur appartient (à tous) et une société qui place ses membres comme étant égaux devant ce protocole que nous appelons une constitution. Essayons d’imaginer que l’on puisse prétendre que des gens égaux et libres aient pu tomber d’accord pour que certains exploitent les autres, que les hommes oppriment les femmes, etc. Ce n’est pas possible de prétendre cela. Il aurait fallu rédiger une autre constitution en 1992 et la faire approuver par referendum par la population. Ne l’ayant pas fait nous sommes aujourd’hui victimes d’une constitution post-monarchique mais pas
encore républicaine. La liberté de la personne par rapport à l’individu – en soi et pour soi – n’est pas considérée comme il le faut, ainsi que la propriété collective de l’espace occupée par notre République. Ce sont les deux éléments les plus importants d’une constitution républicaine par d’abord, leurs contenus civilisateurs et culturels et ensuite parce qu’ils sont supra-constitutionnels. Ce sont ces deux éléments qui déterminent et établissent une République. Je maintiens que nous vivons dans une pseudoRépublique.
2) Une République est un régime qui est construit par les individus libres. Sans ce fondement, il n’y a pas de République. En construisant une République l’individu libre de sa personne en association avec d’autres individus dans la même situation, ne remet pas en question la liberté de la personne. C’est-à-dire la liberté de la personne construite par ce qu’un individu pense, dit et fait librement par le fait qu’il est seul à disposer de sa personne par rapport à luimême (corps, âme, esprit, cœur, et tout le reste). Personne n’a le droit de pénétrer le territoire corporel et mental de la personne humaine en tant qu’individu. Sauf les enfants en bas âge et les handicapés mentaux dans un cadre très limité. Les citoyens n’aliènent pas constitutionnellement « la liberté de la personne des citoyens ». C’est dans ce sens que je dis que la liberté de la personne est supra-constitutionnelle. Nous n’avons pas su exprimer convenablement cette liberté dans notre constitution.
3) Nous n’avons pas su déterminer et fixer les autres formes de libertés. En sus de la liberté de la personne, celle des individus-citoyens que nous sommes tous vivant en société et ayant à maintenir des rapports entre nous et enfin les libertés de la collectivité que nous constituons. Nous aurions eu à déterminer la question de la propriété par rapport à l’espace qui constitue notre république. Dans les faits plusieurs îles constituent notre pays avec des collectifs vivant à Maurice, à Rodrigues et Agalega. Sans oublier les exilés des Chagos. Je suis désolé : je maintiens que nous ne sommes pas en société réellement libre. Il y a tant de choses à changer que je pense qu’il faut adopter une Nouvelle Constitution et passer à la Deuxième République.
4) Nous avons pris cette décision en 1992 alors que nous étions et sommes encore dans un système oligarchique. Par son comportement, Jugnauth a fait un grand tort à la République en déconstruisant chez ses suiveurs la notion de la République pour imposer sa dynastie. Le mal fut fait un mois seulement après mars 1992 : un billet de Rs 20 fut émis à l’effigie de Lady Jugnauth. Et depuis, sauf pendant une courte période, notre République est sous le contrôle d’un individu se comportant en roi.
Nous sommes ainsi en République monarchique qui est un oxymore. Retournons à d’autres concepts. Les premières élections au suffrage universel furent tenues
en 1959. Le suffrage universel est le moteur politique de la République. C’est le peuple qui se présente comme seul décideur et qui est et qui détient le premier des pouvoirs. Malheureusement la démocratie n’est pas directe. Elle est représentative. On essaye d’appliquer des concepts comme démocratie participative ou comme démocratie délibérative.
Toujours est-il qu’il faudrait, dans un cadre de changement, adopter un système de consultation référendaire, limiter le nombre de mandats de nos dirigeants, placer ceux qui construisent l’opinion publique comme le cinquième pouvoir et introduire beaucoup d’institutions de contrôle sur l’exécutif comme sur le judiciaire. Je pense qu’il faut revoir les droits, la démocratie, nos institutions et les lois.Il serait néanmoins inutile de progresser vers la construction de la Deuxième République, sans revoir le concept de majorité dans le cadre d’une constitution républicaine. En effet, et c’est important, ce concept doit être maitrisé. Par exemple on l’associe aux ethnies pour le besoin de déterminer qui nous dirigera. Ce qui est antirépublicain. On la bafoue sur le plan économique puisque c’est une minorité économique qui exerce le pouvoir sur ce plan. Une infime minorité. Je conclurai ma réflexion en disant que notre pseudoRépublique a ceci de particulier: très peu de personnes portent leur attention à notre constitution. Elle permet beaucoup de choses et leurs contraires à la fois. Surtout quand je lis certains jugements, quand je regarde certains comportements et quand je vois ce que font nos dirigeants. Quand je vois le nombre grandissant de personnes libres se soumettre. Quand je vois l’action des killers, des accapareurs de bien publics, l’action des associations maffieuses, etc.
Je propose, je me bats, je conscientise… pour que notre pays adopte une Nouvelle Constitution et passe à la Deuxième République.