La Conférence pour la victoire d’Israël
Il y a deux semaines, un événement festif avec des stars de la chanson a été organisé au Centre international des congrès de Jérusalem. Il était intitulé « Conférence pour la victoire d’Israël – les colonies apportent la sécurité : retourner dans la bande de Gaza et le nord de la Samarie ». 12 ministres en exercice, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, y ont participé.
Toutefois, aucune personnalité politique, pas même le ministre de la Sécurité, Itamar Ben Gvir, n’a eu droit aux ovations frénétiques qui ont salué le rabbin Uzi Sharbaf ; un personnage désormais central dans le débat israélien quoi qu’inconnu à l’étranger. Par sa présence, il a ravivé chez les participants l’espoir de racheter ce qu’ils considèrent comme le « péché » du retrait des colonies juives de Gaza, en 2005.
Dans les heures qui ont suivies, Yaakov Margi (Shas), ministre de la Protection sociale et des Affaires sociales, a déclaré que ses collègues auraient dû « réfléchir » avant de se rendre à ce cirque.
Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a déploré que Benjamin Netanyahu, « qui était autrefois au centre du camp national soit entraîné sans but par les extrémistes », ait « touché le fond. »
Le général Benny Gantz, a déclaré que cette conférence était « une injure à la société israélienne en temps de guerre. Cela nuit à notre légitimité dans le monde et aux efforts visant à créer un cadre pour le retour de nos otages ». À propos de la participation du Premier ministre, il a poursuivi : « Celui qui danse et divise, ne décide pas, et celui qui est silencieux et se laisse entraîner, n’est pas un dirigeant ».
Le lendemain, le président Joe Biden, comme effrayé par le retour d’un vieux démon, a signé un décret interdisant à quelques colons extrémistes de venir aux États-Unis, et surtout interdisant toute collecte de fonds et tout transfert d’argent au profit des hommes du rabbin Uzi Sharbaf. Ces sanctions s’appliquent non seulement aux États-Unis, mais aussi dans toutes les banques étrangères ayant des intérêts aux États-Unis, c’est-à-dire, en définitive, dans tout l’Occident politique [1].
En outre, l’Administration Biden, qui jusqu’ici soutenait discrètement le massacre à Gaza en fournissant des obus et autres munitions, s’est soudain mise à chercher une sortie de crise. Le secrétaire d’État, Antony Blinken, est parti dans une nouvelle tournée des capitales de la région, cette fois avec des propositions.
Pourquoi donc, la sortie du rabbin Uzi Sharbaf sur le devant de la scène a-t-elle provoqué de telles réactions ? Pour le comprendre, un retour en arrière, depuis 1922, est nécessaire. Au sein du mouvement sioniste révisionniste, il existe en effet un groupe encore plus fanatique qui n’hésite pas à attaquer les Anglo-Saxons.
Le « gang Stern »
Les « sionistes révisionnistes » sont les disciples de Vladimir Ze’ev Jabotinsky, un fasciste ukrainien qui fit alliance en 1922 avec les « nationalistes intégraux » ukrainiens de Symon Petlioura et de Dmitro Dontsov contre les Soviétiques. Durant cette alliance, les « nationalistes intégraux » massacrèrent non seulement des anarchistes ukrainiens et des communistes ukrainiens, mais aussi des dizaines de milliers de juifs ukrainiens. Refusant de s’expliquer, Jabotinsky démissionna de ses fonctions d’administrateur de l’Organisation sioniste mondiale et créa l’Alliance des sionistes révisionnistes. Il fonda une formation fasciste paramilitaire en Italie, avec l’aide du duce Benito Mussolini, le Betar.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les « sionistes révisionnistes » poursuivirent leur rêve fasciste, désormais sans l’aide de leurs homologues italiens. Ils se désolidarisèrent de la milice communautaire juive en Palestine, la Hagana, et créèrent leur propre milice, l’Irgun [2]
Dans une lettre au New York Times, Albert Einstein, Hannah Arendt et d’autres personnalités juives comparèrent l’Irgun aux formations fascistes et nazies [3].
L’Irgun lui-même a donné naissance au Lehi (dit « Groupe Stern » ou selon la police britannique « Gang Stern » [4]). Ce groupe était directement lié au gouvernement fasciste polonais (Avraham Stern participa à la première version du « plan Madagascar »). Stern fut arrêté par les Britanniques avec les dirigeants de son groupe au début de la Seconde Guerre mondiale, mais relâché lorsque le gouvernement polonais se reconstitua en exil à Londres. Le Lehi reprit contact avec les fascistes italiens, puis proposa aux nazis de les aider à expulser les juifs d’Europe vers la Palestine. Après des hésitations, ceux-ci refusèrent. Le Lehi multiplia les attentats contre les Britanniques et les juifs de gauche durant les deux premières années de la guerre. Avraham Stern fut arrêté abattu par un officier du CID britannique, en févier 1942. Le Lehi fut alors réorganisé par Yitzhak Shamir qui assassina ses rivaux.
En 1944, le Lehi reprit ses attentats contre les Britanniques. Il manqua de peu d’éliminer le haut-commissaire en Palestine, Harold MacMichael, mais parvint à assassiner le ministre des Colonies, Lord Moyne.
David Ben Gourion, qui restait fidèle aux Britanniques, lança une campagne de la Haganah pour stopper les actions de l’Irgun et du Lehi. Beaucoup de leurs membres furent arrêtés. Cependant, en 1945, Ben Gourion organisa secrètement une réconciliation avec les sionistes révisionnistes, le « Mouvement de la Révolte Hébraïque ». Cette brève alliance ne tint pas. Le Lehi organisa l’attentat contre le secrétariat du gouvernement britannique de Palestine mandataire et contre son commandement militaire, tous deux situés à l’hôtel King David. Il fit 91 morts et 46 blessés. Le Lehi ne cessa pas ses activités terroristes avec l’arrestation d’Yitzhak Shamir. Il les étendit au contraire à Londres jusqu’à ce que les Britanniques se retirent de Palestine. Après quoi, il cibla les Arabes, ainsi perpétra-t-il le massacrer de Deir Yassin.
L’Irgun et le Lehi furent en définitive incorporés aux Forces de défense israéliennes lors de la proclamation unilatérale de l’État. Cependant, les Nations unies envoyèrent le comte suédois Folke Bernadotte pour déterminer les frontières des deux États, juif et arabe. Yitzhak Shamir organisa alors son assassinat [5]. Yehoshua Cohen l’exécuta. Au passage le colonel français des Casques bleus, André Sérot, fut assassiné, c’est Pierre Gaïsset (grand-père de l’auteur de cet article) qui le remplaça. Les « sionistes révisionnistes » changèrent alors d’étiquette et formèrent un nouveau parti, le Hérout, dont Menahem Begin prit la présidence.
En 1952, Yehoshua Cohen créa le kibboutz de Sde Boker. Lorsque l’année suivante, le premier ministre David ben Gourion rejoignit ce kibboutz, Yehoshua Cohen en devint le garde du corps.
Le « Souterrain juif »
Il n’y a pas de trace du groupe Stern par la suite. Cependant, après la « guerre des six jours », le Bloc des fidèles (Gush Emunim) développa l’idée que Yahvé avait donné toute la Palestine aux juifs. Ils avaient non seulement le droit de l’occuper, mais le devoir de le faire pour que la suite des prophéties s’accomplisse. Ce mouvement se développa autour du rabbin Zvi Yehouda Kook. Il enseignait que les premiers Israéliens laïques avaient, certes, débuté le travail, mais que seuls les religieux en connaissaient la direction et pouvaient le finaliser.
C’est dans ce contexte que Yehuda Etzion, fils d’un membre du gang, recréa le groupe Stern. Il utilisa d’ailleurs le même logo : un poing, deux doigts levés. Son nouveau nom : le « Souterrain juif ». Après les accords de Camp David, signés en 1978 par l’ex-Frère musulman Anouar el-Sadate et le sioniste révisionniste Menahem Begin, il s’organisa formellement. Il s’opposa à la rétrocession par Israël du Sinaï à l’Égypte. Il constitua deux cellules. La première, dirigée par Yehuda Etzion lui-même, pour détruire le Dôme du rocher au centre de la mosquée Al-Aqsa, afin de reconstruire le Temple de Jérusalem. La seconde pour semer la terreur parmi les arabes anti-colonialistes.
Le rabbin Uzi Sharbaf était le chef du « Souterrain juif ». Il a été condamné par la Justice israélienne à la prison à perpétuité, en 1984, pour son implication dans une série d’attentats meurtriers contre des Palestiniens. Il fut discrètement libéré, en 1991, par deux sionistes révisionnistes, le président Chaim Herzog et le Premier ministre Yitzhak Shamir.
Sa présence et l’accueil tonitruant que lui ont réservé des milliers de militants laisse craindre le retour du terrorisme sioniste contre les Anglo-Saxons. La réaction de Washington montre, qu’à ses yeux, ce qu’il tolère lorsque les Arabes en sont victimes, doit être condamné lorsqu’il est menacé.