Dans le champ des médias, la guerre en Ukraine a pris la place récemment occupée par « la guerre contre le coronavirus ». La guerre contre le terrorisme, contre le coronavirus et en Ukraine s’inscrivent dans la continuité. Comme redéfinition permanente d’un l’ennemi occupant la figure du Mal contre le Bien, elles relèvent d’une sacralisation de la violence, d’une violence sacrificielle, comme support d’un ordre mondialisé.
Relevant de la donation de sens au non sens, toutes les sanctions prévues donnent à voir notre propre sacrifice. Elles se révèlent, en fait, être des attaques contre les populations européennes. Les mandataires européens, par leurs sanctions, pourraient priver l’Union du gaz russe qui représente plus de 40 % de sa consommation, conduisant les États membres à un suicide économique. Les sanctions prévues contre la Russie ne peuvent que se retourner contre l’industrie et les populations européennes. Le rejet du gaz russe par l’UE apparaît ainsi comme un élément dela Grande réinitialisation (Great Reset).
Si, maintenant, la place prise par « la guerre contre le coronavirus » déserte quelque peu l’attention des médias, les « mesures sanitaires » sont simplement suspendues, elles ne sont pas abolies. Leur retour est déjà prévu, au plus tard pour cet automne. Le pouvoir ne peut pleinement se battre sur deux fronts à la fois, elles doivent actuellement céder la priorité aux images de la guerre. Cependant, les mesures « sanitaires », dites d’exception, s’installent bien dans la durée. L’anomie est aujourd’hui intégrée dans le quotidien, comme un nouveau mode d’être fondé sur la détresse, « d’un rapport à nous mêmes que nous prenons pour notre propre mort ».
Un modèle épidémique
Dans le scénario de la « guerre contre le coronavirus », une question est constante : pourquoi une grande partie de la population s’abandonne-t-elle au port du masque et à des dispositions, dites sanitaires, qui portent atteinte aux droits des individus, à leur santé et à leur vie ? Ici, la question de la conscience n’est pas première, mais bien celle de la jouissance. L’aliénation n’est pas celle de la conscience, mais bien celle d’une perte de la propriété de soi. Il s’agit d’une jouissance qui n’est plus réglée par le droit, mais bien par une loi morale, par un commandement de jouir. Cette jouissance ne porte plus sur la propriété de soi, mais sur son annihilation. Il ne s’agit plus d’encadrer la jouissance par la loi, mais d’induire son déchaînement par un impératif catégorique.
L’impossibilité de symboliser les traumatismes provoqués par les mesures corona, de pouvoir contester les décisions prises devant un tribunal s’opposent à la propriété de soi. Le blocage systématique du recours au droit et aux tribunaux, afin de défendre la propriété de son propre corps, supprime toute limite à l’action du pouvoir. Alors, les individus, pris un à un, enfermés dans un au-delà de l’angoisse, dans la détresse, ne peuvent plus former un sujet social.
Les injonctions paradoxales du pouvoir relèvent d’une donation de sens. Elles ont pour effet de donner du sens au non sens, c’est à dire de les poser dans une réversibilité des deux termes. Ici, nous ne sommes plus dans le langage qui cerne le Réel, mais bien dans l’emprise de l’image qui annule le sujet. Il n’ y a plus de différenciation entre ce qui est et ce qui n’est pas.
La mise en parenthèses de la réalité permet une donation de sens. Elle autorise un retournement de la conscience et une fusion avec le faire voir des médias. Ici, les choses du monde n’apparaissent plus qu’en se donnant à ce regard. Le corps est aussi suspendu et nous sommes installés dans un état d’alerte permanent, dans la dé-tresse.
Ce sans-recours permet un déchaînement permanent de la violence. Les injonctions « sanitaires » sont une mise en scène conçue sur le modèle des catastrophes écologiques, sur la sécularisation d’une contagion, annoncée comme apocalyptique.
De la « guerre contre le terrorisme » à la « guerre contre le coronavirus »
La « guerre contre le terrorisme » et la « guerre contre le coronavirus » sont des étapes complémentaires d’une mutation globale de la société. Dans les deux cas, le pouvoir nous présente la manière dont nous devons consentir à notre anéantissement.
La « guerre contre le terrorisme » exige un sacrifice permanent à des dieux obscurs exigeant la destruction de nos libertés. Infinie, elle fusionne guerre et paix, hostilité et criminalité. Elle confond intérieur et extérieur et applique aux citoyens des dispositions autrefois réservées à l’ennemi.
Afin qu’elles renoncent à défendre leurs libertés publiques et privées, la « lutte antiterroriste » a placé les populations dans la sidération. Elle vise à installer une psychose, destinée à supprimer tout mécanisme de défense vis-à-vis du pouvoir. Elle est ainsi une capture du lieu de la parole et procède d’un renversement du droit.
Ainsi, les lois antiterroristes ont un caractère surmoïque, elles s’attaquent « au désir même de résistance ». Leur fonction est d’annuler ce qui préserve le désir et la capacité d’affrontement des citoyens. La seule possibilité offerte à ceux-ci est alors d’halluciner une relation fusionnelle avec l’État et de s’y abandonner.
L’absence de résistance des populations, face à la gestion de la « pandémie du coronavirus, » repose sur cet abandon du désir de résistance, induit par « la lutte antiterroriste ». Grâce, non seulement, à un renversement du droit, mais, ici à son remplacement par une injonction de devoir être, la « guerre contre le coronavirus » approfondit l’effacement de l’ordre symbolique et installe un « ordre » totalitaire. Elle opère un renversement de la primauté de la loi, du « ne pas », en une prédominance du devoir, en un « tu dois ».
Il s’opère, dans l’organisation de la pandémie du coronavirus, un passage de l’interdit d’avoir des droits, mis en avant par la lutte antiterroriste, au devoir d’abandonner volontairement son corps et sa vie. Le droit n’a simplement plus lieu d’être. Il n’est pas suspendu, comme dans l’état d’urgence, sa place même est supprimée. S’opère ainsi un effacement du politique et une primauté de l’affect.
Si la « guerre contre le terrorisme » prône le sacrifice de nos libertés, la « guerre contre le coronavirus » exige l’abandon de l’ensemble de notre vie et de notre corps. Elle se caractérise par une engagement radical des populations. L’organisation de la guerre contre le coronavirus s’inscrit ainsi dans le stade le plus avancé de la production capitaliste qui met le Réel en demeure et rend exploitable le plus intime de l’être. Elle devient annulation de tout devenir.
Annulation du corps
Si la guerre contre le terrorisme est une guerre contre les libertés publiques et privées et contre le droit de disposer de son corps, la guerre contre le coronavirus supprime le corps. Dès lors, le corpus juridique de la défense de la propriété du corps est mis hors champ.
Les individus, non seulement, ne font pas face à la destruction des rapports sociaux et à la mise en danger de leur existence, mais s’installent dans une jouissance ou plutôt dans une « volonté de jouissance », hors sens et hors droit, de cette politique.
Le droit, comme la psychanalyse, nous rappellent que nous avons un corps, mais que nous ne sommes pas un corps, le corps relevant de l’avoir et non de l’être. La personnalité juridique est traditionnellement liée à la propriété du corps humain. Le corps se confond alors avec la personne juridique, dont il est le support.
Cette propriété a été partiellement disloquée depuis que, afin d’être placés sur le marché, des éléments du corps ont été séparés de celui-ci. Cette propriété relève d’un « capitalisme corporel », elle est conçue en vue de l’échange marchand. La procédure de fragmentation et de marchandisation du corps est aujourd’hui dopée par la transformation des rapports de propriétés s’inscrivant dans la Grande réinitialisation (Grand Reset).
Cependant, ici, on n’est pas confronté à un simple découpage du corps, afin de le transformer en marchandises. Le corps n’est pas simplement décomposé, mais annulé. La disparition effective de la personne juridique acte la mutation. Cet effacement est particulièrement visible dans l’incapacité de saisir un tribunal, afin de faire ressortir l’illégalité des mesures et d’agir contre leur mise en actes.
Si le port du masque nous inscrit dans ce processus de renoncement à avoir un corps, alors, la texture même du symbolique se défait. La jouissance envahit le corps tout entier et l’individu devient la marionnette d’un grand Autre tyrannique.
Le port généralisé du masque, est livré à la jouissance muette d’obéissance au surmoi, s’opposant au commandement freudien « d’advenir à la parole ». Il se réduit à l’énoncé surmoïque : « ne deviens pas ! ».
Impossibilité radicale d’articuler un non
La « pandémie » est devenue, grâce au variant Omicron, une épidémie sans malade. Pourtant, le port ritualisé du masque continue d’exhiber une virulence pré-supposée. L’individu est alors assujetti, non plus au langage, mais au Réel produit par le spectacle de la « pandémie ». Le sujet ne parle plus, le corps, marqué comme symptôme, se réduit à un « lieu d’effraction de jouissance » [1]. Le port généralisé est alors la monstration d’une contagion, non pas d’une maladie, mais bien celle d’une jouissance.
Ce comportement relève de ce que Jacques Lacan appelle « jouissance de l’être ». Celle-ci se pose au-delà du langage et est sans limite. Elle est de l’ordre de ce qui ne peut être symbolisé par la parole, de ce qu’il nomme le Réel.
La jouissance de l’être est ici celle d’un Réel exorbité relevant de l’obscène, tel le port rituel du masque. Les injonctions produisent une transfiguration des porteurs en covidés.
Le port généralisé du masque met le sujet à l’épreuve « d’une jouissance totale, celle de ne faire qu’un avec la Mère » [2], ici avec la Mère étatique. Cette jouissance de l’être, non soumise à la menace de castration, s’inscrit dans la psychose. Alors, grâce à « une forclusion par adhésion totale à la Chose », le « sujet se débarrasse de la question de l’Autre et de la Loi symbolique » [3].
Ainsi, le discours des médias est le symptôme d’une société où la négativité disparaît. N’opérant aucune coupure avec la « chose », les individus ne l’analysent pas, mais l’éprouvent. Ils ressentent l’événement et font corps avec la source sidérante, avec l’œil du surmoi leur ordonnant de jouir de l’exhibition. Étant « Un » avec elle, ils n’ont pas de manque et pensent alors disposer de tout le savoir nécessaire sur qui est exhibé.
Le sujet est alors guidé par une impossibilité radicale de dire non à ce qui le voue à cette déchéance. Ainsi, ce qui institue le discours du pouvoir comme pouvoir surmoïque, « c’est moins le fait qu’il bafoue la vérité que le fait qu’il incarne un savoir absolu sur ce qui du sujet est réel, c’est à dire sur ce qui du sujet est soustrait au règne du signifiant (de la castration)… » [4].
De l’angoisse à la détresse
Dans « la guerre contre le coronavirus », en tant que porteur d’un masque, nous ne sommes plus personne. Le pouvoir nous a enlevé notre corps, qu’il soit individuel ou social, et la réalité est devenue virtuelle. Cette situation correspond à ce que Freud perçoit comme le dénominateur commun de la dépersonalisation, de la décorporéisation et de la déréalisation, à ce qu’il nomme angoisse [5].
Pour Lacan, l’angoisse résulte « d’un trop plein », d’un envahissement par l’Autre, lorsqu’il risque d’annuler le sujet désirant. Actuellement, la colonisation, de la totalité de l’espace et du temps de vie par le regard médusant des médias, ne laisse plus de place pour l’existence du sujet. Il n’y a plus rien d’autre que le chiffre pur des dites « contaminations » et les injonctions du pouvoir relatives à la pandémie.
Cependant, Lacan a pointé que, plus profondément que l’angoisse, on trouve une détresse « où l’homme, dans ce rapport à lui-même qui est sa propre mort… n’a à attendre d’aide de personne » [6]. L’individu isolé se trouve dans un état de détresse primordiale. Il ne peut plus attendre d’aide de son autre, de son semblable, pour faire face à sa destruction programmée par le pouvoir.
Si l’angoisse résulte d’un trop plein d’objets, d’un envahissement du sujet, « la détresse, elle, sans ambition que d’être arrachée à elle-même, cherche à s’abreuver de n’importe quel objet » [7], tels le masque, les gels, les ablutions, les mesures de distanciations… La détresse est aussi le résultat de la perte des repères, car, dans cette position psychotique, il n’y a plus de temps, plus d’espace et absence de distinction entre le dedans et le dehors. La détresse relève d’une solitude absolue, alors que l’angoisse est demande d’aide à l’Autre. La détresse relève alors d’une attente sans futur, d’un accomplissement de soi comme annihilation.
Le virus de la détresse
Les mesures « sanitaires » ont un caractère prédictif. Elles précèdent la contagion, non pas pour la prévenir, mais pour purifier le corps individuel, non de la maladie, mais du lien social, de cet « autre » dangereux pour chacun de nous.
Il ne s’agit pas de soigner. Généralement les malades étaient renvoyés chez eux. Les mesures prises ne consistent pas en une prise en charge, mais en une ritualisation des comportements destinée à accueillir la maladie. Elles ont pour objet de nous enfermer dans le danger présupposé du coronavirus et de nous imposer des mesures de distanciation, des dispositions de délitement du rapport à l’autre.
La guerre sanitaire nous fige dans une position d’attente, d’accueil de la maladie et du vaccin. Les mesures « de protection » nous assignent à la passivité. La ritualisation des comportements nous installe dans une détresse originaire, dans une position d’impuissance qui est celle de l’infans. La position de détresse empêche toute possibilité de représentation, de mettre la chose face à soi, afin de pouvoir l’analyser et la confronter. Dans la détresse, l’individu est en fusion avec les mesures de « lutte contre le covid ». Il ne lui est plus possible de faire face.
Chez Freud, la « détresse » est le sans recours absolu que l’on a parfois traduit par le néologisme de « dés-aide » [8]. Il a reconnu, dans la détresse, une expérience inhérente à la condition humaine, qui est celle d’être jeté dans une dépendance absolue à l’Autre et d’être confronté à l’énigme de son désir.
C’est dans cette présence primitive du désir de l’Autre comme opaque, obscur, que le sujet est sans recours [9]. Cette détresse est bien une « dé-tresse » [10], un dénouage du lien social et un isolement de chacun.
La détresse présente un paradoxe, « d’un côté elle est causée par la défaillance de l’appel à la personne tierce, de l’autre elle parvient à s’oublier par la mise en jeu du commandement surmoïque à jouir » [11]. La position de détresse vis-à-vis du pouvoir, à qui les individus demandent aide et assistance, se double ainsi d’une jouissance muette d’obéissance inconditionnelle au surmoi. Le volontarisme affiché par des individus de respecter des injonctions qui les mettent en danger relève de cet aspect.
La stricte observance de mesures, qui n’ont d’autre objet que de détruire ce qui fait de lui un être humain, place l’individu dans une structure perverse. Celle-ci le conduit à se faire l’instrument de la jouissance de l’Autre, celle du pouvoir. Cette condition « l’effleure d’autant mois qu’il s’identifie imaginairement à l’Autre (maternel) » [12], à sa mère étatique.
La détresse face à leur abandon par les autorités et la jouissance manifestée par les individus, à travers le strict respect des injonctions, représentent deux moments complémentaires de la manifestation du surmoi [13]. Le premier étant celui de la sidération, que l’on peut aussi comprendre comme « pas un mot », se double d’un second mouvement que l’on peut traduire par l’injonction « refais-toi », refais-toi en tant que non humain, en tant que « covidé », en tant que produit du Great Reset.
Une « structure épidémique »
Le port du masque nous enferme dans une structure psychotique. En l’absence de coupure symbolique, le vécu n’est plus qu’une solitude absolue, une détresse. Il supprime toute distinction et nous introduit dans un processus mimétique, c’est à dire dans une violence contagieuse, telle que théorisée par René Girard [14]. Il instaure un rejet de l’Autre, mais aussi de soi-même, en tant que personne. Les rivalités mimétiques dissolvent les différences entre les individus et désagrègent le tissu social. Le masque produit ainsi une « indifférenciation des porteurs qui, poussée à son terme, plonge la société dans une violence sans limite » [15].
Le port généralisé du masque donne une « structure épidémique » aux relations sociales. Il construit un nouvel ordre social lié à un état d’alerte permanent. Il institue un processus d’indifférenciation pérenne, amenant à renoncer au désir de l’Autre et conduisant à « l’oubli de soi » [16]. Il s’offre ainsi au regard, sans laisser apparaître ni d’opposition, ni de questionnement. Les porteurs s’abandonnent alors à une violence infinie, conduisant à une mutation globale de la société.
L’obligation du port du masque révèle la « Chose même ». Elle commande une violence sacralisée se confondant avec l’amour déclaré du pouvoir. Elle est l’annonciation d’un « nouvel ordre mondial », basé un rejet radical de l’Autre.
Le port généralisé du masque est un système sacrificiel reposant sur une volonté de jouissance. Dans la « pandémie », son objet principal, comme support matériel d’une psychose hystérique, est de nous épurer du désir. Plus précisément, il s’agit de nous débarrasser du « poids du désir » de l’Autre et de nous réduire à son « double ». La mutation porte sur les rapports sociaux, mais aussi sur les individus pris un à un. Ils deviennent des « doubles », des êtres étrangers, non seulement à l’Autre, mais aussi à eux-mêmes.
Avec son masque, l’individu n’assiste pas en spectateur à l’épidémie, mais expérimente le vécu de la contamination, à travers une pédagogie qui consiste à faire, individuellement et collectivement, l’expérience de la contagion, sans être malade.
Fixé sur la bouche, le masque interdit la parole, le véhicule par excellence de la relation avec autrui. La parole est, de toutes les fonctions du corps, la plus étroitement lié à l’existence commune. Le port généralisé du masque est donc un refus radical de ce qui fait de nous des êtres humains.
Les fondements de nos sociétés sont reversés. Gabriel Attal, porte parole du gouvernement français, nous a informé que le président Macron projette, dans la période de l’après-Covid, de « poursuivre la redéfinition de notre contrat social »,” aboutissant, selon le Président, à la mise en place de « devoirs qui passent avant les droits… » [17]. Il s’agit là d’une mise en cause des principes qui constituent un État de droit, un renversement de la primauté de la loi sur la morale et du droit sur le Bien. Le droit se réduit alors à une loi morale inconditionnelle.