Intitulé Données d’expérience sur la violence et le harcèlement au travail: première enquête mondiale, le rapport donne une idée de l’étendue du problème et de ses formes différentes. Le rapport étudie également les facteurs qui peuvent empêcher les gens de parler de ce qu’ils ont vécu, notamment la honte, le sentiment de culpabilité, un manque de confiance dans les institutions ou parce que ce type de comportements inacceptables est considéré comme «normal».
Il est difficile de mesurer le niveau de violence et de harcèlement au travail. Le rapport indique que seule la moitié des victimes dans le monde ont parlé de ce qu’elles ont vécu à quelqu’un d’autre, et souvent seulement après avoir subi plus d’une forme de violence et de harcèlement. Les raisons les plus fréquentes pour garder le silence sont qu’il s’agirait d’une «perte de temps» et de la crainte d’avoir «mauvaise réputation». Les femmes sont davantage susceptibles de partager ce qu’elles ont vécu que les hommes (60,7 pour cent en comparaison à 50,1 pour cent).
Globalement, 17,9 pour cent des salariés hommes et femmes indiquent avoir fait l’objet de violence et de harcèlement psychologiques dans leur vie professionnelle, et 8,5 pour cent ont fait face à de la violence ou du harcèlement physique, les hommes étant plus nombreux à en avoir été victimes. Parmi les personnes ayant répondu à l’enquête, 6,3 pour cent ont fait état de violences sexuelles et de harcèlement sexuel, les femmes étant particulièrement exposées.
Parmi les catégories de personnes qui sont les plus susceptibles d’être touchées par différents types de violences et de harcèlement, on peut citer les jeunes, les travailleurs migrants, ainsi que les personnes salariées, hommes et femmes. Les jeunes femmes sont deux fois plus susceptibles que les jeunes hommes d’être exposées aux violences sexuelles et au harcèlement sexuel et les femmes migrantes sont deux fois plus susceptibles que les autres femmes de faire état de violences sexuelles et de harcèlement sexuel.
Plus de trois victimes sur cinq indiquent avoir été victimes de violences et de harcèlement au travail à de nombreuses reprises et, pour la majorité d’entre elles, l’incident le plus récent s’est produit dans les cinq dernières années.
«Il est douloureux de s’apercevoir que les gens sont confrontés à la violence et au harcèlement dans leur vie professionnelle pas seulement une seule fois mais à plusieurs reprises», déclare Manuela Tomei, Sous-directrice générale de l’OIT pour la gouvernance, les droits et le dialogue. «Les cas de violence et de harcèlement psychologiques sont les plus fréquents dans les différents pays et les femmes sont particulièrement touchées par les violences sexuelles et par le harcèlement sexuel. Le rapport nous montre l’énormité de la tâche à accomplir pour mettre fin à la violence et au harcèlement dans le monde du travail. J’espère de sa part des actions rapides sur le terrain et en faveur de la ratification et de la mise en œuvre de la convention 190 de l’OIT.»
La convention (n°190) de l’OIT sur la violence et le harcèlement, 2019, et la recommandation (n°206) constituent les premières normes internationales permettant de définir un cadre commun pour prévenir et éliminer la violence et le harcèlement au sein du monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre. La convention comprend la reconnaissance spécifique, pour la première fois dans une législation internationale, du droit pour toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement et définit les obligations nécessaires afin de respecter, promouvoir et réaliser cet objectif.
«Le fait de rassembler des données robustes sur ce sujet tellement sensible constitue un défi mais c’est essentiel. Pour la première fois, ce rapport lève le voile sur un problème omniprésent qui constitue un fléau pour plus d’un travailleur sur cinq dans le monde», déclare Andrew Rzepa, de Gallup. «Pendant trop longtemps, les entreprises et les institutions n’étaient pas conscients du problème ou étaient réticents à s’attaquer à la violence et au harcèlement sur le lieu de travail. Ces statistiques fournissent une base de référence que nous pouvons tous utiliser pour aboutir à des progrès tellement attendus sur ce problème crucial qui relève de notre sécurité».
«Pour faire face à des défis en matière de sécurité au niveau mondial aussi complexes et profondément enracinés que constituent la violence et le harcèlement au travail, il est essentiel de pouvoir disposer de statistiques de qualité afin de comprendre l’étendue du problème et d’identifier les personnes les plus à risques, notamment là où il n’existait que peu de données fiables par le passé», déclare Sarah Cumbers, directrice du Département «Evidence and Insight» à la Lloyd’s Register Foundation. «Nous sommes heureux d’avoir pu travailler avec Gallup et l’OIT pour parvenir à cette contribution qui fera date afin de combler ces écarts dans le domaine statistique, dans le cadre de notre Enquête sur les risques mondiaux («World Risk Poll») et pour offrir un point de référence aux pays afin de procéder à des améliorations, guidées par le caractère extrêmement important de la ratification de la convention 190.»
Le rapport contient toute une série de recommandations, parmi lesquelles:
La collecte régulière de données robustes sur la violence et le harcèlement au travail aux niveaux national, régional et mondial, pour documenter les législations, les mécanismes, les mesures politiques, les programmes ainsi que la recherche et le plaidoyer visant à prévenir et à remédier à ce problème.
Étendre et mettre à jour les mécanismes pour de prévenir et gérer de manière efficace les cas de violence et de harcèlement dans le monde du travail, notamment par l’intermédiaire des systèmes d’inspection du travail et des politiques et des programmes de sécurité et de santé au travail.
Développer la prise de conscience de la violence et du harcèlement au travail, y compris ses différentes manifestations, dans le but de changer la perception, la stigmatisation, les attitudes et les comportements susceptibles de perpétuer la violence et le harcèlement, notamment ceux basés sur les discriminations.
Augmenter les capacités des institutions à tous les niveaux afin d’aboutir à une prévention, à une résolution et à un soutien efficaces pour augmenter la confiance des personnes envers la justice et veiller à ce que les victimes bénéficient d’un soutien.
L’étude OIT-LRF-Gallup est basée sur des entretiens qui ont eu lieu en 2021 avec près de 75 000 personnes employées âgées de 15 ans ou plus, dans 121 pays et territoires, dans le cadre du «World Risk Poll» de la Lloyd’s Register Foundation.