Pour de nombreuses entreprises, l’explosion est venue s’ajouter à un environnement commercial déjà difficile créé par les crises économique et politique du pays, ainsi que par la pandémie de COVID-19. Depuis l’explosion, de nombreuses entreprises ont été confrontées à une réduction progressive de la demande de biens et de services, à une augmentation du coût des matières premières, à une hyperinflation et à des coupures de courant.
Les propriétaires d’épiceries et de magasins d’alimentation au détail, par exemple, affirment que les clients achètent moins de denrées périssables, car beaucoup ne peuvent pas conserver longtemps les aliments dans les réfrigérateurs en raison des coupures de courant. D’autres propriétaires d’entreprises affirment que le coût élevé de l’obtention des matières premières entraîne une hausse des prix des marchandises, ce qui freine la demande des clients.
Une autre conséquence signalée est l’augmentation des dettes des entreprises, principalement envers les fournisseurs et autres créanciers. Les entreprises ont également accumulé des coûts liés aux dommages causés à leurs structures commerciales par l’explosion.
“Les entreprises ont le sentiment d’être piégées dans un cercle vicieux, au sein des crises multiples et interdépendantes qui affectent le pays”, a déclaré Maha Kattaa, spécialiste régionale de la résilience et de la réponse aux crises de l’OIT dans les États arabes. “Cette étude nous a donné une image claire de l’impact de l’explosion de Beyrouth et d’autres défis pressants sur les petites entreprises, les travailleurs et les conditions de travail. Nous espérons que ces résultats nous aideront à concevoir des réponses qui prennent en compte tous ces défis à court terme mais aussi à plus long terme, grâce à un plan national qui soutient les entreprises de manière globale et coordonnée.”
Les conclusions sont basées sur des discussions de groupe organisées avec des propriétaires d’entreprises en août 2021, afin d’examiner l’état actuel de leurs entreprises. Les participants à ces groupes faisaient partie d’un groupe d’enquête plus large composé de 1 664 micro, petites et moyennes entreprises (MPME). L’enquête a été menée par l’OIT et le Fafo après l’explosion d’août 2020, afin d’évaluer l’impact sur les entreprises et leurs travailleurs, ainsi que les effets de la pandémie de COVID-19 sur ces entreprises.
Cette évaluation plus large a révélé que 14 % des entreprises interrogées avaient fermé, temporairement ou définitivement. Seulement 3 % ont réalisé des bénéfices après l’explosion, contre 32 % avant l’explosion. 85 % fonctionnaient à perte, contre 28 % avant l’explosion.
En plus des dommages causés par l’explosion, la réduction des opérations a été étroitement associée à la pandémie de COVID-19. Pour faire face à leurs difficultés économiques, les entreprises interrogées avaient réduit les salaires de leurs employés d’un tiers en moyenne. Cela a contribué à réduire le pouvoir d’achat des consommateurs, dont les entreprises dépendent en fin de compte.
L’évaluation comprend des recommandations visant à soutenir directement les MPME touchées et à remédier aux faiblesses du système dans son ensemble, afin de le rendre plus résistant aux chocs futurs. À court terme, il s’agit notamment de fournir un soutien technique et un accompagnement aux entreprises touchées sous la forme d’une formation à la continuité des activités et d’un tutorat pour les aider à ajuster leurs modèles d’entreprise et à élaborer des plans d’urgence. Cela devrait s’accompagner de subventions en espèces et de subventions salariales ciblant les entreprises qui n’ont pas encore reçu d’aide pour rénover et reconstruire leurs entreprises après l’explosion du port.
À plus long terme, un plan national de développement des MPME est nécessaire pour fournir un soutien plus coordonné. Des réponses adaptées aux entreprises de l’économie informelle sont également nécessaires pour aider ces dernières à mieux faire face aux crises et à préparer leur transition vers l’économie formelle, y compris leur inclusion dans les systèmes de protection sociale.
Le rapport sur les résultats de l’enquête a été rendu possible grâce au soutien de l’Allemagne, par le biais de la Banque allemande de développement (KfW), qui finance le programme d’infrastructure à forte intensité d’emploi de l’OIT au Liban, et au soutien des Pays-Bas dans le cadre du “Partenariat pour l’amélioration des perspectives des personnes déplacées de force et des communautés d’accueil” (PROSPECTS).