TASHKENT, Ouzbékistan (OIT Infos) – Le recours systématique et systémique au travail des enfants et au travail forcé dans l’industrie du coton en Ouzbékistan a pris fin, bien qu’il reste encore quelques vestiges locaux, selon un nouveau rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT).
Le rapport, compilé pour la Banque mondiale, montre qu’une personne sur huit en âge de travailler en Ouzbékistan a participé à la récolte du coton. Cela représente le plus grand effort de recrutement au monde. Soixante-cinq pour cent des cueilleurs étaient des femmes, et la grande majorité d’entre elles venaient des zones rurales.
Le travail systématique des enfants a été éradiqué et le travail des enfants n’est plus une préoccupation majeure.
«Quand j’étais enfant, nous manquions malheureusement beaucoup de cours à cause de la récolte du coton», a déclaré Dilshoda Shodmonova de Chircik, près de Tachkent. «Aujourd’hui, grâce aux réformes, ma propre fille peut aller à l’école sans interruption et recevoir une éducation. Cela m’encourage à poursuivre mon travail de militante des droits des travailleurs.»
Le pays fait des progrès significatifs en matière de droits fondamentaux du travail dans les champs de coton. Plus de 96 pour cent des travailleurs de la récolte de coton 2020 ont travaillé librement et le recrutement systématique d’étudiants, d’enseignants, de médecins et d’infirmières a complètement cessé.
En 2020, la proportion de cueilleurs de coton ayant subi des contraintes était de 33 pour cent inférieure à celle de 2019. Cependant, au niveau local, certaines personnes étaient menacées de perdre des privilèges ou des droits si elles refusaient de cueillir du coton.
Le suivi de l’OIT s’est concentré sur la pandémie. De nombreux travailleurs migrants ouzbeks sont retournés en Ouzbékistan à la suite de la pandémie, ce qui a permis d’augmenter le nombre de personnes disponibles pour la récolte du coton.
Les cueilleurs ont montré un niveau élevé de sensibilisation au coronavirus, mais beaucoup d’entre eux ont fait part de leurs préoccupations concernant la maladie. Un tiers des cueilleurs de coton ont affirmé que des masques faciaux et des installations pour se laver les mains étaient disponibles. Deux tiers des cueilleurs ont déclaré qu’ils pouvaient toujours maintenir une distance sociale pendant le déjeuner ou les pauses.
La principale motivation des Ouzbeks pour la cueillette du coton était la possibilité de gagner de l’argent. En moyenne, chaque cueilleur a participé à la récolte pendant vingt-et-un jours et a touché 1,54 million de soums (l’équivalent de 150 dollars US). C’est plus que le salaire moyen d’un enseignant en Ouzbékistan.
La récolte du coton représentait une part essentielle des moyens de subsistance de la plupart des cueilleurs. Soixante pour cent des cueilleurs ont déclaré que la récolte de coton de 2020 était leur seule source de revenus en espèces cette année.
Le gouvernement ouzbek a considérablement augmenté les salaires depuis 2017 et a introduit une échelle de salaires différenciée afin que les cueilleurs soient mieux payés par kilogramme de coton vers la fin de la récolte, lorsque les conditions sont moins favorables et qu’il y a moins de coton à cueillir. Cela a conduit à une baisse significative de la prévalence du travail forcé.
«Le travail forcé est non seulement socialement et moralement inacceptable, mais il constitue également une grave violation des droits de l’homme et un délit pénal en Ouzbékistan», a déclaré Tanzila Narbaeva, présidente du Sénat ouzbek et de la Commission nationale sur le travail forcé et la traite des êtres humains. «Pour changer les comportements, il faut modifier la façon de penser des gens. Nous y parvenons en travaillant ensemble en tant que législateurs, fonctionnaires, employeurs, syndicats et militants de la société civile.»
L’OIT a commencé à surveiller la récolte de coton pour lutter contre le travail des enfants en 2013. En 2015, dans le cadre d’un accord avec la Banque mondiale, ces efforts ont été étendus pour couvrir à la fois le travail forcé et le travail des enfants. En 2020, le mécanisme de surveillance par une tierce partie (TPM) de l’OIT a été confié à des activistes indépendants de la société civile d’Ouzbékistan qui ont été formés à utiliser la méthodologie de l’OIT. Ces activistes ont affirmé qu’ils avaient effectué leur surveillance sans interférence du gouvernement ou des fonctionnaires locaux.
L’Ouzbékistan est en train de remplacer l’ancien système de production de l’État soviétique par un modèle basé sur le marché utilisant les garanties nécessaires en place, notamment des pratiques de recrutement équitables et des salaires adéquats.
La stratégie du gouvernement consiste à faire remonter l’Ouzbékistan dans la chaîne de valeur et à positionner le pays comme un exportateur de textiles et de vêtements plutôt que de coton brut. Cela pourrait permettre de créer des millions d’emplois mieux rémunérés et de générer des recettes d’exportation importantes.
«Ces réformes devraient continuer à être soutenues par la communauté internationale», a déclaré Jonas Astrup, conseiller technique en chef pour le projet de surveillance par une tierce partie de l’OIT. «Les décisions en matière de commerce et d’investissement prises par des entreprises internationales responsables sont susceptibles de contribuer à abolir davantage l’héritage de l’économie planifiée. Elles peuvent également avoir un impact positif sur le respect des normes internationales du travail. L’OIT suggère que l’approvisionnement responsable du coton, des textiles et vêtements ouzbeks devrait être facilité et encouragé. L’OIT est prête à piloter des outils et des mécanismes en Ouzbékistan pour permettre aux marques et aux détaillants internationaux de prendre des décisions commerciales en connaissance de cause.»
Le rapport, intitulé 2020 third-party monitoring of child labour and forced labour during the cotton harvest in Uzbekistan (Suivi par des tiers du travail des enfants et du travail forcé en 2020 pendant la récolte du coton en Ouzbékistan), est basée sur plus de 9 000 entretiens non accompagnés et non annoncés avec un échantillon représentatif des 1,8 million de cueilleurs de coton du pays.
Le projet TPM de l’OIT est financé par un fonds fiduciaire multi-donateurs établi par la Banque mondiale, avec des contributions importantes de l’Union européenne, des États-Unis, de la Suisse et de l’agence de développement allemande GIZ.