- Le ministre italien de la Défense, Lorenzo Guerini.
Alors que l’Italie est paralysée par la « crise économique que la pandémie a déclenchée » (comme la définit Draghi dans son discours programmatique), il est un secteur qui ne s’en ressent pas et même est en plein développement : le militaire dans l’Otan. Les 17-18 février, au moment où le Sénat et la Chambre votaient la confiance au Gouvernement Draghi, le re-confirmé ministre de la Défense Lorenzo Guerini (Pd) participait déjà au Conseil de l’Atlantique-Nord, le premier en présence de la nouvelle administration Biden.
À l’ordre du jour l’augmentation ultérieure de la dépense militaire. 2021, a souligné le secrétaire général de l’Ota, Jens Stoltenberg, sera la septième année consécutive d’augmentation de la dépense militaire de la part des Alliés européens, qui l’ont accrue de 190 milliards de dollars par rapport à 2014. Mais les USA et l’OTAN demandent beaucoup plus. Le ministre Guerini a confirmé l’engagement de l’Italie à augmenter la dépense militaire (en termes réels) de 26 à 36 milliards d’euros annuels, en ajoutant aux allocations de la Défense celles destinées à des fins militaires par le ministère du Développement économique : 30 milliards plus 25 requis du Fonds de Relance. Le tout, évidemment, en argent public.
L’Italie s’est engagée, dans l’Otan, à destiner au moins 20 % de la dépense militaire à l’achat de nouveaux armements. Pour cela, à peine entré en fonction, le ministre Guerini a signé le 19 février un nouvel accord de 13 membres de l’Otan plus la Finlande, défini Air Battle Decisive Munition, pour l’achat conjoint de « missiles, fusées et bombes qui ont un effet décisif dans la bataille aérienne ». Avec cette formule, semblable à celle d’un groupe d’achat solidaire (non pas cependant de légumes, mais de missiles), se réalisent des économies que l’Otan affirme être de 15 à 20 % sans pour autant dire à combien se monte la dépense. Les missiles et les bombes de nouvelle génération, que l’Italie est en train d’acheter, serviront à armer aussi les chasseurs F-35B de la société Lockheed Martin, embarqués sur le porte-avions Cavour, arrivé le 13 février dans la base US de Norfolk (Virginie) : il restera là jusqu’en avril en acquérant la certification pour opérer avec ces avions. L’Italie, a annoncé fièrement le ministre Guerini, sera un des rares pays —avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon— à disposer d’un porte-avions avec des chasseurs de cinquième génération.
De cette façon l’Italie, comme souligne le Premier ministre Mario Draghi, renforcera son rôle de « protagoniste de l’Alliance atlantique, dans le sillage des grandes démocraties occidentales, en défense de leurs essentiels principes et valeurs », accroissant en particulier « notre projection vers les aires d’intérêt naturel prioritaire, comme la Méditerranée élargie, avec une attention particulière pour la Libye, la Méditerranée orientale, et l’Afrique ».
Dans la « Méditerranée élargie » —qui dans la géographie de l’Otan s’étend de l’Atlantique à la mer Noire et au sud jusqu’au Golfe persique et à l’océan Indien— opère depuis Sigonella (Sicile), avec des drones AGS RQ-4D fournis par les USA, la Force Otan de « surveillance terrestre ». Elle est devenue opérationnelle le 15 février : c’est ce qu’a annoncé le général US Told Walters, Commandant Suprême Allié en Europe (fonction qui revient toujours à un général états-unien). Les drones de l’Otan, qui depuis Sigonella « surveillent » (c’est-à-dire espionnent) cette aire pour préparer des actions militaires, sont sous les ordres d’un autre général US, Houston Cantwell.
Le Premier ministre Draghi, qui considère la nouvelle Administration US « plus coopératrice à l’égard des Alliés », se déclare « confiant que nos rapports et notre collaboration ne pourront que s’intensifier ». On peut en être sûrs. Le 17 février, s’est déroulé en vidéoconférence le premier meeting, parrainé par le Pentagone, dans lequel 40 industries et centres de recherche universitaires italiens ont offert leurs propres produits et services aux forces armées US. Titre de la rencontre « Innovate to Win » (Innover pour vaincre). L’innovation —explique le ministère de la Défense— est « la clé de voûte non seulement pour obtenir un avantage compétitif sur de potentiels adversaires —actuels et à venir— sur le plan militaire, mais pour le recovery [en anglais dans le texte, ndt] du tissu industriel national au terme de la période de crise due à la pandémie Covid-19 ».