- A Genève, le président Poutine, victorieux en Syrie, a imposé ses conditions au président Biden, leader des vaincus.
La Troisième Guerre mondiale, qui a opposé 119 États en Syrie, s’est soldée par la victoire de la Syrie, de l’Iran et de la Russie et la défaite militaire des 116 États occidentaux et alliés. Le moment est venu pour les perdants de reconnaître leurs crimes et de rembourser les dommages et coûts qu’ils ont occasionnés (au moins 400 000 morts et 400 milliards de dollars de dégâts en Syrie, 100 milliards de dollars d’armement russe).
Or, les Occidentaux n’ont pas vécu cette guerre sur leur propre territoires et n’ont pas souffert des combats qu’ils ont surtout menés par mercenaires interposés (les « jihadistes »). Ils ont conservé une partie de leur puissance. Les États-Unis restent, avec le Royaume-Uni et la France, à la tête d’une formidable force de dissuasion atomique.
Dès lors, le nouvel ordre du monde ne doit pas simplement intégrer la première puissance économique mondiale, la Chine —restée neutre durant la Guerre—, mais aussi ménager les perdants, ne pas les acculer au désespoir. C’est d’autant plus difficile que les opinions publiques occidentales n’ont pas conscience de leur défaite militaire et persistent à se croire les vainqueurs.
C’est pourquoi la Russie a choisi de percevoir des dommages de guerre sans les présenter comme tels ; de ne pas étrangler militairement l’Otan ; et de ne pas médiatiser ses décisions. Sur la forme, le sommet Russie-USA est donc plutôt un Yalta II (division du monde entre alliés) qu’un nouveau Berlin (capitulation du IIIème Reich).
Observons que les États-Unis n’ont pas été tenus comptables de la destruction de la Libye car, à l’époque, le président russe, Dmitry Medvedev, les avait soutenus.
Un sommet opaque
La Russie ne voulait pas donner l’impression d’écraser les Occidentaux. Dès avant la rencontre, les médias avaient été prévenus que les chefs d’État ne donneraient pas de conférence de presse commune, aucune narration n’étant acceptable par les deux opinions publiques à la fois. Jamais un sommet intergouvernemental ne fut si mal couvert depuis 2014 au moins (date d’entrée en guerre de la Russie). Lorsque les présidents s’exprimèrent séparément, les services d’ordre durent intervenir pour maîtriser la cohue. Au final, les choses se sont passées comme planifiées : les journalistes n’ont pas compris grand-chose et n’ont eu que des détails sans importance à raconter.
L’opinion publique US croit que la Russie a tenté de manipuler les deux dernières élections présidentielles en faveur de Donald Trump ; qu’elle a attaqué des sites internet officiels US ; qu’elle a empoisonné certains de ses opposants ; et qu’elle menace militairement l’Ukraine.
La Russie a démenti en bloc ces illusions enfantines, puis a tressé les louanges du grand président US, Joe Biden, de son expérience, de la qualité de ses échanges, et même —sans rire— de la lucidité de cet homme visiblement sénile.
Des décisions fixées par Moscou en amont
Au plan militaire, l’important était de s’assurer que les États-Unis ne moderniseraient plus leur arsenal atomique et ne seraient pas en mesure de concevoir des lanceurs hypersoniques.
Le président Biden a annoncé en ouverture du sommet que les États-Unis rouvraient les négociations de réduction de leurs armements, qu’ils avaient unilatéralement interrompues durant la Troisième Guerre mondiale. Nous ne savons pas quelles mesures ont été prises pour prévenir la construction de missiles hypersoniques occidentaux, mais compte tenu de l’avance russe en matière de lanceurs, Moscou et Washington peuvent diminuer drastiquement leur stocks de missiles nucléaires sans altérer la domination russe. Le désarmement US serait en faveur de la paix.
Le président Biden a reconnu que son pays devrait abroger la loi du 18 septembre 2001 autorisant l’usage de la force (Authorization for Use of Military Force of 2001), c’est-à-dire la doctrine Rumsfeld/Cebrowski de guerre sans fin.
Au plan économique, la Russie a exigé de sécuriser ses revenus. Les États-Unis ont donc accepté le 19 mai que l’industrie de l’Union européenne ne fonctionne plus avec du pétrole occidental, mais avec du gaz russe. Washington a annoncé lever les sanctions qu’il avait prises contre les sociétés impliquées dans la construction du pipe-line Nord-Stream 2. Il va de soi que le prix de ce gaz ne correspondra pas à la valeur marchande de ce produit, mais au paiement de la dette de guerre. Il sera néanmoins toujours possible aux Européens de l’Ouest d’échapper à cette surfacturation.
Éventuellement l’Allemagne et la France pourraient être dispensées de payer ces dommages dans la mesure où l’ancien chancelier Gerhard Schröder et l’ancien Premier ministre François Fillon ont toujours été opposés à cette Guerre. Précisément, le socialiste Gerhard Schröder est administrateur de la société gazière publique russe Rosneft, tandis que le gaulliste François Fillon devrait être nommé administrateur de la société pétrolière publique russe Zaroubejneft. Encore faudrait-il que l’Allemagne et la France cessent les hostilités, alors que la première dispose encore de soldats à Idleb et la seconde à Jalabiyeh, et que les principaux acteurs de ce carnage soient frappés d’indignité, tels Volker Perthes ou François Hollande.
Au plan diplomatique, Moscou et Washington ont annoncé le rétablissement de leurs relations et le retour de leurs ambassadeurs. Il restait à définir les zones d’influence.
Avant toute chose, le président Poutine a fixé aux États-Unis des lignes à ne pas franchir : (1) interdiction de faire adhérer l’Ukraine à l’Otan ou d’y stationner des lanceurs nucléaires (2) interdiction de s’immiscer en Biélorussie (3) interdiction d’intervenir dans la politique intérieure russe.
Il a été convenu que le Moyen-Orient serait sous influence conjointe russo-US, à l’exception de la Syrie qui est directement placée sous l’aile de Moscou ; que les sunnites seraient divisés en deux groupes afin de prévenir la résurgence de l’Empire ottoman ; que la Syrie (et non l’Iran) prendrait le leadership d’une zone incluant le Liban, l’Iraq, l’Iran et l’Azerbaïdjan (toujours pour prévenir une résurgence ottomane) ; enfin qu’Israël abandonnerait le projet expansionniste de Vladimir Jabotinsky.
Moscou prévoit que ces accords rencontreront des obstacles mis en place par certains responsables US, non pas directement, mais en recourant à de tiers acteurs. Quoi qu’il en soit, Washington avait déjà informé, dès le 2 juin, tous les États du Moyen-Orient élargi qu’il retirerait son dispositif anti-missiles (Patriot et Thaad).
La place de la Chine
Concernant l’Extrême-Orient, la Russie a fermement rejeté les propositions d’alliance avec les Occidentaux contre la Chine. Elle considère, au vu de l’Histoire, que la Chine ne revendiquera pas la Sibérie orientale tant qu’elle maintiendra les Occidentaux hors d’état de nuire. C’est pourquoi le président Poutine a réaffirmé juste avant le sommet qu’il ne considérait pas Beijing comme une menace.
Au demeurant, d’un point de vue russe, le développement économique de la Chine est on ne peut plus normal. Il viole certes les règles de la globalisation occidentale mais s’appuie sur une doctrine nationaliste toute à fait légitime. Le communiqué final du G7, qui condamne la Chine et prétend édicter les normes du commerce mondial, est un délire d’anciennes gloires. Quoi qu’il en soit, Beijing ayant préféré se développer économiquement que de payer le prix du sang durant la Guerre ne peut exiger de privilèges. Moscou est favorable à une « rétrocession » de Taïwan à la Chine, mais sans recours à l’affrontement militaire.
Moscou entend joindre les efforts politiques de la Russie et économiques de la Chine à travers le Partenariat eurasiatique élargi, particulièrement pour le développement joint de la Sibérie russe orientale. C’est pourquoi il entreprend la construction du chemin de fer transsibérien et de la Magistrale reliant le lac Baïkal au fleuve Amour, des corridors de transport Primorye-1 et Primorye-2, de la Route de la Soie du Nord, de la voie express Europe-Chine orientale, de la route Nord-Sud et du corridor économique Russie-Mongolie. À ce raccordement de l’espace russe aux routes de la soie chinoises, il faut ajouter plus de 700 milliards de dollars de projets communs dans les deux pays.
Les attentes US
Concernant les propositions des États-Unis en matière de cybersécurité, la question ne saurait être traitée bilatéralement. Moscou sait mieux que quiconque ne pas avoir commandité d’attaques contre les élections présidentielles US, ni contre des sites d’agences publiques états-uniennes.
Les attaques informatiques proviennent de hackers privés, parfois agissant comme des corsaires pour le compte d’États. Le NKTsKI —Centre national russe sur les incidents informatiques (un département du FSB créé il y a trois ans)— estime que, contrairement à ce que prétendent les médias occidentaux, un quart des attaques informatiques proviennent des États-Unis.
La Russie a obtenu la création par l’Assemblée générale des Nations unies, le 31 décembre 2020 (A/RES/75/240), d’un « groupe de travail à composition non limitée (OWEG) sur la sécurité du numérique et de son utilisation (2021-2025) ». C’est lui, et lui seul, qui sera compétent. Il s’agit-là pour Moscou d’un moyen de redonner aux Nations unies le rôle de forum mondial démocratique dont ils avaient été privées durant la Troisième Guerre mondiale qui les avait transformées en courroie de transmission des faucons de Washington.