Notre économie linéaire et extractive actuelle n’a pas été conçue avec un mécanisme de recyclage en place, de sorte que l’environnement a longtemps été une décharge pour les déchets. Avec la perte de plus de 60% de la biodiversité de la planète et une île de déchets flottant dans le Pacifique trois fois plus grande que la France, il est urgent de mettre en œuvre des modèles alternatifs de production et de consommation.
Qu’est-ce que l’économie circulaire ?
C’est un système économique dédié à l’efficacité et à la durabilité qui minimise le gaspillage en optimisant la valeur que génèrent les ressources. Elle s’appuie fortement sur diverses méthodes de conservation et de recyclage pour se détacher de l’approche actuelle, plus linéaire, qui consiste à « saisir, produire et jeter ».
Au contraire, dès la première étape de production, les externalités telles que les impacts environnementaux sont pris en compte : plus de produits écologiques sont fabriqués et des matières recyclables sont davantage utilisées pendant la production.
L’initiative la plus répandue depuis quelques années concerne les déchets alimentaires et notamment les invendus. La loi sur le lutte contre le gaspillage alimentaire promulguée en février 2016 prévoit un certain nombre d’obligations pour tous les acteurs de la chaîne alimentaire (producteurs, transformateurs et distributeurs), et notamment l’obligation de signer une convention avec des associations caritatives pour faire don des invendus. L’entreprise Phenix était précurseur en la matière en démarrant son activité en mars 2014, et depuis elle a revalorisé plus de 15 millions de kilos de produits alimentaires, l’équivalent de plus d’un milliard de repas. Autre initiative intéressante le projet SoliFoodWaste qui a pour objectif de porter à grande échelle deux projets d’économie circulaire de l’association HTS (Handicap Travail Solidarité) : SoliPain et SoliFruits, qui permettent la revalorisation de pains, fruits et légumes invendus, tout en créant/maintenant des emplois en ESAT (Établissements et Services d’Aide par le Travail), structures employant des personnes en situation de handicap.
Le surcyclage ou upcycling est une autre solution issue de l’économie circulaire. Le surcyclage va au-delà du recyclage en fabriquant des produits de qualité supérieure aux produits d’origine. Par conséquent, ces produits durent plus longtemps et sont plus écologiques que d’autres produits recyclés, le surcyclage augmentant la vie utile des matériaux, leur permettant donc d’être recyclés plus de fois.
Depuis quelques années, l’industrie du textile est particulièrement innovante en la matière et voit apparaitre des entreprises qui ont fait le choix de fabriquer des vêtements, chaussures ou sacs à partir de déchets issus de sa propre industrie ou d’autres : Angarde propose des espadrilles fabriquées à partir de bouteilles en plastique, Veja des baskets à partir de déchets de maïs, et Balzac toute une collection de vêtements et accessoires à partir de ses propres chutes de tissu et de cuir restants en usine.
Autre solution : modifier le mode de production pour que les matériaux produits soient réutilisables ou recyclables. Un fabricant de pneus, Omni United, s’est récemment associé à Timberland et a re-conçu ses pneus afin qu’ils puissent être réutilisés pour fabriquer des semelles de chaussures sans augmenter les coûts de production. Ce type de collaboration à petite échelle est de plus en plus répandu en Europe et aux États-Unis. Le but ultime de l’économie circulaire serait que ces relations se multiplient et créent de vastes réseaux reliant toutes sortes de producteurs, minimisant ainsi le gaspillage de matériaux et ressources.
L’économie circulaire passe aussi par le développement de solutions permettant l’échange, le prêt ou la vente de biens et services entre particuliers. La technologie et les médias sociaux ont facilité la mise en œuvre de ces modèles en créant des plateformes de consommation collaborative comme l’application Fifty!Books, qui permet aux personnes vivant à proximité les unes des autres d’acheter ou de vendre des livres d’occasion. Des concepts similaires existent également pour les vêtements de seconde main, tels que ThredUP ou Once Again. De telles solutions apparaissent également pour les appareils électroniques comme reBuy qui proposent des téléphones portables reconditionnés ou encore Zilok qui propose de la location d’objets entre particuliers notamment des outils de bricolage.
Les consommateurs sont également encouragés à réparer ou réutiliser plutôt que de jeter, à limiter leurs dépenses aux produits dont ils ont réellement besoin, et à être plus vigilants dans la gestion de leurs déchets.
Ainsi le nom d’économie circulaire se comprend d’elle-même en ce que les déchets et dérivés sont réinsérés dans la chaîne de production plutôt que rejetés, créant un cycle d’utilisation et de réutilisation.
Que retenir du projet loi sur l’économie circulaire ?
Annoncé le 4 juin 2019 par le Premier Ministre, le projet de loi pour lutter contre le gaspillage est issu d’une volonté d’« entrer dans l’économie du XXIe siècle ».
Ce projet de loi a quatre grands objectifs :
– donner de la transparence aux consommateurs sur les produits qu’ils achètent,
– transformer les modes de production industriels,
– limiter le gaspillage afin de préserver les ressources naturelles
– et améliorer la collecte des déchets pour protéger l’environnement.
Depuis la loi sur le gaspillage alimentaire votée en février 2016, il est désormais interdit de jeter les invendus non-alimentaires qui doivent être donnés ou recyclés. Un système codifié sera développé pour davantage élaborer et faciliter le tri des déchets, un domaine où la France est en retard par rapport au reste de l’Europe.
En 2021, les entreprises devront faire preuve de transparence vis-à-vis des consommateurs en ce qui concerne l’empreinte écologique et la longévité de leurs produits. Pour répondre au problème de l’obsolescence programmée et allonger la durée de vie des produits, les producteurs devront inclure « un indice de réparabilité » des équipements électriques et électroniques. Les réparations seront rendues plus abordables en facilitant et en encourageant l’utilisation de pièces recyclées, et en obligeant les fabricants à informer les consommateurs sur la disponibilité de pièces de rechange pour certains produits.
Le projet de loi prévoit toute une série de mesures dans le cadre de la « responsabilité élargie du producteur » (REP) qui oblige le producteur à financer par avance la gestion des déchets issus des produits qu’il commercialise.
D’autres produits viendront s’ajouter à la liste de ceux pour lesquels les fabricants sont déjà tenus de payer une somme annuelle afin de financer la gestion des déchets que ces produits engendrent après leur utilisation. Il s’agira notamment de cigarettes, jouets, lingettes, vêtements de sport et matériel de jardinage.
Les entreprises seront également incités à devenir plus éco-compatibles : celles qui se soucient de l’écologie reçoivent une prime alors que les producteurs polluants reçoivent un malus. Cette diminution et cette augmentation respectives des coûts de production se refléteront dans les prix des biens, incitant ainsi les consommateurs à acheter des produits plus écologiques, susceptibles donc de devenir moins chers.
Pour déterminer le succès de ces nouvelles mesures, cinq indicateurs seront évalués annuellement :
– la quantité de déchets jetés,
– la quantité de plastique recyclé,
– la production de matériaux recyclés,
– la valeur des produits invendus donnés aux associations
– et la quantité de déchets qui sont déversés dans l’environnement.
L’un des principaux intérêts d’une économie circulaire est qu’elle promeut un monde durable sans sacrifier la profitabilité. Dans certains cas, elle nécessite des investissements supplémentaires dans des équipements qui consomment moins et qui sont plus écoresponsables – comme la transition des combustibles fossiles vers des énergies renouvelables – mais ces investissements permettent une efficacité accrue et des externalités positives.
Un rapport commissionné par la Fondation Ellen MacArthur en 2012 a constaté que l’adoption d’une économie circulaire dans certains secteurs manufacturiers européens pourrait permettre d’économiser jusqu’à 630 milliards de dollars annuellement. En outre, au fur et à mesure que l’économie circulaire se développera, elle créera davantage d’emplois dans les secteurs de la réparation et de la réutilisation des matériaux excédentaires. L’idée de l’économie circulaire ne condamne pas la croissance mais vise plutôt à contrôler et localiser celle-ci dans un système plus durable et régénératif.
Texte du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire