BEYROUTH (OIT Infos) – Une série d’évaluations rapides des effets immédiats de la pandémie de COVID-19 sur les travailleurs et les entreprises vulnérables dans les États arabes fragiles fait apparaître une baisse sensible de l’emploi et des revenus tant parmi les réfugiés syriens qu’au sein des communautés d’accueil. Selon ces évaluations, la capacité financière limitée pour faire face à la crise s’est traduite par une détérioration des conditions de vie et de travail de l’ensemble des travailleurs.
Les études, menées par l’OIT en collaboration avec divers partenaires du développement et de l’aide humanitaire, montrent qu’en Jordanie, au Liban et en Iraq, les réfugiés syriens, les travailleurs du secteur informel, les femmes et les jeunes travailleurs ont été touchés de manière disproportionnée par la crise.
Avant la pandémie, une grande partie du monde arabe était déjà confrontée à de graves difficultés sur le marché du travail, que ce soit en raison de l’afflux de réfugiés dans les pays voisins, d’un taux de chômage élevé chez les jeunes, du faible taux d’activité des femmes, de la pauvreté ou d’un niveau élevé d’informalité.
Les évaluations portent sur des échantillons de travailleurs et d’entreprises qui ont pris part à des programmes mis en œuvre par les organisations impliquées dans les rapports. Ainsi, bien qu’ils ne soient pas représentatifs au niveau national, ces rapports montrent comment la pandémie a exacerbé les problèmes sous-jacents et rendu plus difficile encore la possibilité pour les personnes vulnérables de gagner leur vie et d’accéder à des sources de revenus.
«Dans les États arabes, comme dans d’autres régions, la pandémie de COVID-19 a posé de nouveaux défis économiques, et des secteurs clés porteurs d’emploi ont été gravement touchés», explique Frank Hagemann, Directeur régional par intérim pour les États Arabes.
«Les pays touchés par les conflits sont confrontés à des conséquences encore plus graves, en raison de structures gouvernementales surchargées, d’une économie et de marchés du travail paralysés et de l’absence des infrastructures de base nécessaires pour faire face à la crise», ajoute Frank Hagemann.
«D’autres pays accueillant un grand nombre de réfugiés sont eux aussi exposés à des risques accrus. Les réfugiés et les segments vulnérables de la population locale ont besoin de davantage de soutien, alors même que les ressources publiques continuent de diminuer», poursuit-il.
En Jordanie, les conclusions montrent que près de la moitié des travailleurs qui occupaient un emploi avant la pandémie de COVID-19 l’ont perdu au cours des premières semaines de la crise. La majorité d’entre eux déclarent n’avoir aucune forme d’épargne à leur disposition et ajoutent que le niveau d’aide, en espèces ou en nature, qu’ils reçoivent est limité.
Au Liban, la pandémie est apparue à un moment où le pays est confronté à la plus grave crise économique et financière qu’il ait connue ces dernières décennies, situation aggravée par l’instabilité politique et une crise des réfugiés qui n’en finit pas. Les résultats montrent que la pandémie a entraîné une dégradation des conditions de vie et de travail, tant des citoyens libanais que des réfugiés syriens. Ces derniers, qui tendent à accepter des salaires moins élevés et des conditions de travail plus pénibles, sont parmi les plus touchés.
En Iraq, pays qui compte environ 1,4 millions de déplacés internes, la pandémie a eu de profondes répercussions sur les jeunes travailleurs et les femmes, dont bon nombre étaient déjà sans emploi avant la crise. Selon l’étude, étant donné que plus d’un tiers des personnes interrogées – qui sont les principales sources de revenu de leur ménage – ont été licenciées définitivement, il faut s’attendre à ce que la pandémie ait des répercussions considérables, non seulement pour ces personnes, mais aussi pour toutes celles qui en sont économiquement dépendantes.
L’étude formule des recommandations sur les actions à mener dans l’immédiat, mais aussi sur des politiques à plus long terme, en particulier des mesures pour faire face aux problèmes auxquels était déjà confronté le marché du travail:
- Soutenir les travailleurs vulnérables et les entreprises en difficulté en leur accordant une aide directe en espèces.
- Réadapter les programmes aux besoins nouveaux et urgents des travailleurs, en se concentrant sur la création d’actifs communautaires et publics, pendant et après la crise de COVID-19, et renforcer les mesures de protection.
- Réduire les risques de voir des entités formelles basculer dans l’informalité, grâce à des mécanismes de garantie de prêt soutenus par l’Etat, à la transition vers le paiement numérique des salaires et à des exonérations fiscales.
- Simplifier les procédures administratives de sorte que les personnes qui sont dans le besoin puissent accéder plus facilement aux services et aux fonds disponibles.
Ces évaluations ont été élaborées par le Bureau régional de l’OIT pour les États arabes en collaboration avec les partenaires du développement et de l’aide humanitaire, en particulier le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Cash Consortium pour l’Iraq (CCI) et le groupe principal d’experts pour les moyens de subsistance au Liban (Livelihoods Sector Core Group).