A l’initiative de la Fondation Terre Solidaire, le jeudi 5 novembre dans le cadre de la première édition de la conférence CQFD pour la planète, Ceux Qui Font Demain pour la planète, se sont réunis virtuellement :
Anne Bringault, Coordinatrice des opérations au Réseau Action Climat,
Eric de Kermel, Directeur de la rédaction de Terre Sauvage, responsable RSE du Groupe Bayard,
Véronique Lucas, Chercheuse et Docteure en sociologie rurale, auteure d’une thèse sur l’agroécologie,
Julie Sauvêtre, Ingénieure, Chargée de mission pour Zero Waste France
Bernard Horenbeek, Président de la coopérative financière La NEf
Marine Calmet, juriste spécialiste en droit de l’environnement et des peupls autochtones, Présidente de Wild Legal
et Matthieu Dardaillon, Co-fondateur et Président de Ticket For Change
Lors de cette conférence modérée par Lydie-Bonnet Semelin, Présidente de la Fondation Terre Solidaire, les différents intervenants ont pu nous livrer leur vision du monde de demain et partager leurs expériences et expertises sur des thèmes en lien avec la transition écologique et solidaire. S’ils font globalement le constat de l’état alarmant de la situation, ils sont, dans leurs domaines respectifs, forces de propositions et porteurs d’espoir. Au travers de leurs interventions, ils ont pu partager avec nous leurs initiatives pour un monde plus juste et soutenable.
« Chacun peut faire à sa place et la portée de son bras. »
Une conviction partagée par tous les intervenants concernant une transition écologique durable est celle du rôle individuel qu’il est donné à chacun de jouer. S’il est facile de se sentir impuissant face à l’ampleur de la tâche, comme l’aime à le rappeler Eric de Kermel, auteur et éditeur du magazine Terre Sauvage, « chacun peut faire à sa place et la portée de son bras ». Il évoque l’éveil de la conscience écologique au travers de la notion d’écologie intégrale. Cette notion propose de considérer l’écologie comme un chemin de connaissance, de joie. A l’inverse des constats fatalistes et anxiogènes qui caractérisent la collapsologie, cette approche nous invite à repenser notre rapport à nous-même afin de le dépasser pour aller vers l’autre, puis vers la nature. Ce cheminement, clef d’une écologie joyeuse, nous permet de considérer le champ des possibles afin de quitter notre position de spectateur. L’écologie totale fait directement écho aux principes fondateurs de la coopérative financière,NEF, dont Bernard Horenbeek est le président du directoire. Les projets soutenus par cette banque engagée sont systématiquement soit culturels (soi), sociaux (l’autre) et environnementaux (la nature). De plus, ils ont une double qualité ; celle d’être économiquement viables mais surtout porteurs d’une responsabilité sociale. Cette banque éthique réinvente notre rapport à l’argent, en le reconsidérant comme un moyen et non plus une fin. C’est cette même conviction qui anime Ticket for change co-fondée par Mathieu Dardaillon ; l’idée que chacun peut être acteur de la transition notamment par son travail. Cette association accompagne de nombreux volontaires dans leur transition professionnelle à dimension sociale et durable. Elle est une invitation à regarder vers l’avenir afin d’inventer les métiers de demain. Enfin, cet engagement individuel peut également prendre une toute autre dimension à l’instar des gardiens décrits par Marine Calmet, présidente de l’association Wild Legal. Des individus, les gardiens, contestent le sort réservé à certaines ressources naturelles et décident de s’engager pour faire reconnaître des droits à la nature afin de la représenter et de la défendre. Apparaît alors la possibilité de rééquilibrer le rapport de force afin d’amorcer une nouvelle ère dans notre relation avec le vivant.
L’engagement personnel, important et protéiforme, ne saurait en revanche être suffisant. Les intervenants s’accordent en effet également sur la nécessité d’une action collective dans le but de permettre un réel changement global.
« Les actions individuelles ont un poids, mais ne suffisent pas. Elles doivent s’inscrire dans des démarches politiques plus larges »
À l’instar de coopératives locales comme Combrailles Durables dans le Puy-de-Dôme, évoquées par Anne Bringault, coordinatrice des opérations de Réseau Action Climat, le collectif est moteur de changements importants. En effet, cette vise à permettre la production locale d’énergie durable. Elle répond depuis près de dix ans à une demande de plus en plus importante et se développe avec succès grâce à l’engagement éco-citoyen de la coopérative. De plus, dans de nombreux cas, l’action collective apparaît comme le seul moyen viable pour une transition durable. Véronique Lucas, sociologue agricole, déconstruit les préjugés sur la non-implication des agriculteurs dans un nouveau mode de production. Ses études mettent en lumière la grande précarité de ces métiers qui de facto rendent presque impossible un changement à l’échelle individuelle. Or de plus en plus de collectifs d’agriculteurs s’organisent spontanément autour de ces questions et trouvent des solutions comme l’acquisition collective d’équipement, afin d’amorcer une transition agro-écologique. Enfin, plus qu’un changement de pratiques collectif, c’est notre manière de penser qui est au cœur de ce processus de transition. C’est notamment l’idée défendue par Juliette Sauvette de Zero Waste France qui questionne les notions de genre et d’écologie. Partant du constat que l’écologie était socialement définie comme une problématique féminine, reposant sur de nombreux clichés, l’éco-féminisme nous invite à en faire un combat partagé. Il s’agit de dépasser nos différences limitantes ; genre, classe sociale, etc… Tout d’abord dans la sphère privée, mais aussi et surtout dans la sphère publique, celle du collectif.
Enfin, outre la dimension individuelle et collective, un dernier consensus transparaît entre les différents intervenants : celui de l’importance du rôle à jouer par les institutions.
« On ne fera pas la transition sans les entreprises »
Cette affirmation qui peut paraître étonnante est défendue par Matthieu Dardaillon, co-fondateur de Ticket for change. En effet, pour lui, si de nombreuses entreprises font partie du problème, il faut faire en sorte qu’elle fasse partie de la transition. Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire représente 10% du PIB. Ce chiffre est encourageant mais encore insuffisant pour faire de ces entreprises pionnières une norme. Cette mobilisation d’acteurs économiques dans la transition écologique est partagée par la Nef. La banque devient ainsi une institution de confiance qui œuvre pour l’intérêt commun. Le constat de la crise de 2008 est clair : aucune des banques éthiques n’a été impactée par la crise financière. Cela a été rendu possible grâce à la pratique d’une économie qui s’est engagée dans des projets concrets en toute transparence.
Plus que les acteurs économiques, ce sont également aux pouvoirs politiques en place de s’investir dans cette transition. Dans le cas des agriculteurs, dépeints par Véronique Lucas, s’ils parviennent à s’investir et co-construire collectivement, cela n’est pas sans entraîner un surcroît de travail important. Des associations facilitantes existent et organisent ces rencontres et échanges mais ne sont pas assez subventionnées par l’État pour fonctionner en autonomie et se concentrer sur leurs actions. Plus qu’un soutien financier ou matériel, le rôle médiateur de l’État doit aussi être remis au cœur de la transition écologique. C’est notamment ce qu’évoque Marine Calmet en montrant d’autres modèles de société où les consultations publiques apparaissent comme plus larges et inclusives, considérant que chacun a sa spécificité et sa place dans ce cercle de décisions collectif.
Toutes ces interventions donnent à imaginer un monde où la transition est possible. Un monde plus sain et plus égalitaire se dessine alors au fil des initiatives qui nous motivent à apporter notre pierre au changement. Ainsi, nous espérons que ces exemples vous emmèneront à « être le changement que vous voulez voir dans le monde ».
Retrouvez toutes les vidéos des intervenants sur la chaîne Youtube de la Fondation Terre Solidaire.
Vous pouvez aussi commander les livres des intervenants de la conférence auprès de Zero@, libraire indépendant et partenaire de la Fondation Terre Solidaire.