Contribuer au rôle actif des jeunes en Bolivie

Depuis 2018, la Fondation Terre Solidaire soutient CIPCA, Centro de Investigación y Promoción del Campesinado (Centre de recherche et de promotion de la paysannerie), en Bolivie pour son projet « Renforcement des jeunesses urbaines et rurales des départements de La Paz et de Cochabamba afin de contribuer au développement intégral de la Bolivie ».

CIPCA a été fondé en 1970 pour rechercher les moyens les plus efficaces pour les agriculteurs de poursuivre un développement rural durable et de faire partie du tissu social dans le pays. Il participe à la construction d’une Bolivie démocratique, autonome, unitaire dans sa diversité, interculturelle, équitable et durable, du point de vue économique et environnemental. Il a pour principaux objectifs d’accompagner et renforcer les organisations indigènes et paysannes, de promouvoir un développement rural durable avec une approche territoriale, d’agir pour des autonomies démocratiques efficaces (introduites par la Constitution de 2009 instaure un Etat plurinational) et interculturelles basées sur la participation et le contrôle citoyen. CIPCA soutient également le développement des capacités en matière de plaidoyer et d’influence pour promouvoir des politiques publiques concertées.

Mobiliser les jeunes pour assurer le développement de la Bolivie

L’objectif de CIPCA en mettant en œuvre ce projet au profit de la jeunesse est de contribuer au rôle actif des jeunes (femmes et hommes) par le renforcement de leur créativité et de leur capacité à l’innovation, pour qu’ils deviennent un élément moteur du développement intégral. Ce défi est capital car la société civile bolivienne se caractérise toujours par une très forte polarisation des organisations et mouvements populaires par les autorités centrales et locales qui s’efforcent de contrôler les représentants de la société civile et de décrédibiliser les voix dissonantes. La Bolivie fait aujourd’hui face à un panorama politique nouveau depuis le départ forcé du président Evo Morales en octobre 2019 et la désignation d’un gouvernement intérimaire chargé de convoquer des prochaines élections. Le rôle des jeunes est fondamental dans ce contexte hautement incertain de transition.
CIPCA intègre la jeunesse comme groupe d’intérêt stratégique et développe des activités qui contribuent à son inclusion et à sa participation à la vie politique et publique. Ce projet centré sur les jeunes urbains et ruraux de deux départements (La Paz et Cochabamba) vise à les former pour influencer les décisions sur la gestion de leurs territoires. Grâce à leur connaissance des enjeux et spécificités du monde rural, ces jeunes pourront contribuer au développement intégral et à la prise en compte du « Buen Vivir » dans les politiques publiques. Cette attention à la gestion du territoire, des ressources naturelles et de l’environnement amènera les jeunes à formuler des propositions de politiques et de normes au sujet de la préservation de l’environnement.

Trouver sa place : des jeunes « rurbains », entre ville et campagne

Pour mobiliser ces jeunes, CIPCA organise des rencontres régulières sur le terrain comme celle organisée à La Paz en juin 2020 et qui a rassemblé une centaine de jeunes.
Ceux-ci originaires de 4 municipalités sont pour la plupart étudiants en agronomie, et en sciences sociales. Certains exercent des responsabilités d’autorités indigènes au sein de leur communauté et la plupart vivent entre la campagne dont ils sont originaires et où leurs parents résident et la ville d’El Alto ou La Paz où ils étudient ou travaillent. La proximité des zones rurales et urbaines leur permet d’alterner dans la même journée des déplacements entre ces différents espaces aux habitudes et modes de vie qui restent néanmoins très différents . De ce fait ce va-et-vient permanent influence la façon dont ils conçoivent la vie communautaire, ils envisagent la culture de la terre et modifient leur relation à l’argent (les jeunes « rurbains » ayant tendance à être plus portés sur l’immédiateté et à la recherche de profits).
Ce type de rencontre organisée par CIPCA est également très intéressant pour capter les défis que rencontrent les jeunes lorsqu’ils souhaitent s’investir dans la vie de la communauté : ils déplorent le manque d’espace qui leur est laissé par les personnes plus âgées et le manque de confiance qu’on leur accorde. Certaines organisations indigènes ont à cœur de s’ouvrir aux plus jeunes mais ces déclarations sont peu suivies d’effet. Plusieurs paliers successifs sont nécessaires avant d’accéder aux responsabilités, ce qui suppose parfois de nombreuses années d’investissement. Sans compter certaines règles qui réservent des postes à des personnes mariées et excluent de facto les plus jeunes (même s’il est possible de contourner ces règles comme le confesse un jeune de 25 ans qui a présenté sa propre mère pour assurer le rôle d’épouse qu’il n’a pas encore).

Donner la parole aux femmes

Ces discriminations sont évidemment renforcées pour les femmes qui ne peuvent parfois ni assumer aucun rôle au sein de leur communauté si elles sont célibataires. Les termes du débat sur le genre sont surprenants. Les jeunes participantes, à cette réunion organisée par CICPA, identifient les mécanismes de domination du patriarcat depuis l’espace familial jusqu’à la société. Elles dénoncent la représentation de la femme dans leur culture et les charges qui pèsent sur elles et les excluent souvent des espaces de décision. Ce sont les aînées qui cuisinent notamment lors des réunions des organisations et collectifs indigènes, ce sont les femmes et souvent les grandes sœurs qui prennent soin des enfants et de la fratrie, ce sont les garçons qui mangent en premier et bénéficient de l’aide prioritaire de la famille pour étudier… Conscientes de cette situation et de la persistance du machisme (« nous vivons dans des familles machistes, ma mère l’est aussi ! »), CIPCA accompagne ces jeunes à analyser leur entourage pour relever aussi les avancées. C’est un espace très riche d’« empoderamiento » (responsabilisation) où chacune partage ses doutes et difficultés mais soutient aussi ses compañeras (camarades): la prise de parole en public est notamment mentionnée comme une grande difficulté de peur que les hommes et la communauté ne les jugent ou les ridiculisent avec leur voix « qui porte plus ».

 

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