Mito Tsukamoto, Service de Développement et investissement de l’OIT |
Maintenant, le COVID-19 se répand rapidement dans les pays les moins avancés (PMA). Des pays comme l’Afghanistan, la Somalie et le Yémen étaient déjà fragiles en raison des conflits armés et de l’insécurité politique; en outre, une grande partie de leur population sont des travailleurs pauvres, des personnes vulnérables, des chômeurs et des travailleurs du secteur informel. Des millions d’autres personnes, réfugiés ou migrants, y vivent dans des camps surpeuplés ou dans des centres de détention en essayant de faire face à la tragédie et aux traumatismes.
L’arrivée du COVID-19 dans ces situations de précarité humanitaire risque d’être le coup fatal – en faisant des millions de morts à cause de cette double peine.
Les pays les moins avancés ont généralement des systèmes de santé et de protection sociale défaillants, des institutions nationales et locales faibles ou inexistantes, et une marge de manœuvre budgétaire très réduite pour répondre aux appels d’urgence avec leurs propres ressources.
En outre, la récession économique qui commence, et pourrait se poursuivre bien après la diminution du nombre d’infections, pourrait considérablement entraver la capacité de ces nations appauvries à reconstruire leurs sociétés – même au faible niveau où elles étaient avant l’apparition du virus.
On peut aussi craindre que la pandémie ne provoque ou n’exacerbe les griefs et la méfiance, entre les sociétés ou en leur sein, au sujet de l’accès aux éléments constitutifs de la reconstruction sociale que sont les services de santé, le travail décent et des moyens de subsistance. Cela pourrait menacer le développement, la paix et la cohésion sociale. Durant l’épidémie du virus Ébola en Afrique par exemple, des troubles sociaux et des conflits ont éclaté dans certains des pays concernés, ce qui a créé un cercle vicieux renforçant la fragilité.
Il est urgent de mettre en place des mesures immédiates et cohérentes pour protéger de cette double peine les sociétés concernées.
A court terme, les gens ont besoin de garanties pour leur emploi et d’une aide au revenu. Mais il ne faut pas négliger la nécessité d’avoir une vision stratégique à long terme pour que les pays puissent développer leur résilience et être capable de reconstruire une société meilleure. Il s’agit d’un appel à l’action qui doit cibler les personnes pour restaurer rapidement leurs moyens de subsistance.
Nous disposons déjà de certains des éléments d’architecture et d’analyse nécessaires. Le mois dernier, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a publié un rapport Shared Responsibility, Global Solidarity [Responsabilité partagée, solidarité mondiale] qui porte sur les moyens de coordonner l’action internationale pour contrecarrer le virus. Ce rapport va dans le même sens que les réflexions de la Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail adoptée l’été dernier. Les deux se concentrent sur les personnes, notamment les plus vulnérables, et l’importance de restaurer leurs moyens de subsistance.
L’OIT dispose aussi d’une expérience sur le terrain précieuse, en apportant des réponses socioéconomiques complexes et délicates pour aider les travailleurs pauvres dans les pays les moins avancés, grâce à son programme phare Des emplois au service de la paix et de la résilience (JPR), déjà opérationnel dans plus de 30 pays.
Ce programme, qui se fonde sur la Recommandation n° 205 de l’OIT, adopte une approche modulaire pour travailler en situation de crise. Il comporte notamment le recours à des approches à forte intensité de main-d’œuvre pour créer des emplois; l’amélioration des liens entre l’offre et la demande de travail; le renforcement des compétences pour l’employabilité; et la promotion du développement économique local et du secteur privé en soutenant l’emploi indépendant, les coopératives et les entreprises.
Ce programme Des emplois au service de la paix et de la résilience met aussi fortement l’accent sur le développement des capacités des institutions, le dialogue social et les Principes et droits fondamentaux au travail, car on a constaté que la faiblesse de la gouvernance, l’absence de dialogue et les violations des droits freinent la sortie de crise et la cohésion sociale. C’est seulement en comprenant vraiment les interactions complexes entre tous ces facteurs qu’il est possible de créer des réponses qui fonctionnent, et donc la résilience dont les populations des pays les moins avancés ont besoin.
Par Mito Tsukamoto, Service de Développement et investissement de l’OIT