Sujet tabou, le sexe comme « outil » d’avancement professionnel est pourtant une réalité bien présente à Maurice. Libération fait le tour de la question et vous dévoile (presque) tout sur la promotion canapé.
Dans un de ses sketches, l’inénarrable Coluche, incarnant le personnage d’une prostituée, disait qu’il avait vite compris que ses meilleures amies étaient ses jambes et qu’il fallait souvent écarter ses meilleures amies pour réussir. En milieu professionnel, certains, ou devrait-on dire certaines, sont souvent confrontés à pareil scénario.
L’ascenseur sexuel, communément appelé « promotion canapé » ou « casting couch » dans le monde anglo-saxon, consiste à accepter ou à provoquer des relations intimes avec un supérieur dans le but d’obtenir un poste de travail lors d’un entretien d’embauche ou alors pour gravir les échelons en milieu professionnel avec par exemple une augmentation de salaire ou encore une promotion dans la hiérarchie de l’entreprise. Bien que parallèle aux mariages d’intérêt, la promotion canapé n’implique, toutefois, pas de liens permanents même si l’échange peut être répété selon les besoins.
Bien évidemment, se pose la question de l’éthique. Il va de soi que la sexualité est tout sauf un moyen politiquement correct pour évoluer professionnellement. On entre en fait dans une logique où la frontière entre vie privée et vie professionnelle est totalement floue, et qui remet en question toute préoccupation de compétences, de capacités ou de potentiel avéré.
Propositions indécentes
Si certains osent dénoncer les propositions indécentes en milieu professionnel, car relevant de harcèlement, de plus en plus de personnes acceptent cette situation, soit par peur de l’échec professionnel et personnel, soit pour éviter l’épreuve d’une déconvenue ou de l’attente, et même pour ne pas râcler le bas de l’échelle.
Le phénomène est d’ailleurs si courant que, bien que rares soient ceux qui se disent fiers de gravir les échelons par de tels moyens, certains n’hésitent pas à afficher qu’ils ont couché pour réussir, un peu à la manière de la chanteuse Lana Del Rey avec son titre très controversé ‘F****d my way to the top’ dans son dernier album, ‘Ultraviolence’. Dans le monde du showbiz, le sexe comme moyen de parvenir au top est un mythe à la dent dure mais qui s’est souvent avéré, bien que la plupart des vedettes se gardent de dévoiler quoi que ce soit sur la question.
Idées reçues
Un mythe qui perdure encore, cependant, c’est le fait que les prétendants à la promotion canapé s’accordent essentiellement au féminin. Il existe de très nombreux cas, moins à Maurice selon les sociologues qu’à l’étranger, de patronnes proposant des promotions ou des hausses salariales en échange de « bon temps » avec un subalterne, généralement celui qui affiche un minois de Don Juan. Là encore, il ne faudrait généraliser car les prétendants ne sont pas toujours jeunes et célibataires. On retrouve, parmi ceux qui adoptent l’ascenseur sexuel, des pères et ou mères de famille, et des patrons ou patronnes d’un certain âge.
D’ailleurs, même si on a tendance à ne l’évoquer qu’à demimot, l’infidélité en milieu professionnel est très courante, comme l’explique le Canadien Yvon Dallaire, psychologue, auteur, conférencier et éditeur. Il ajoute que la majorité des couples infidèles, soit 65 %, divorcent. Selon Statistics Mauritius, au cours de l’année 2018, 2 425 divorces ont été prononcés par la Cour suprême, dont la majorité (26.3 %) concerne des couples ayant 5 à 10 ans de vie commune et 23.2% concerne des couples ayant 15 à 25 ans de vie commune.
« L’infidélité est de plus en plus médiatisée et tend à se poser comme une banalité, voir une normalité », explique Fanny BauerMotti, docteur en psychologie
exerçant comme psychologue et psychanalyste à Londres. Selon l’experte, il y a autant de raisons que de vécus qui poussent une personne à accepter la promotion canapé. « Si l’on passe par là, cela peut être parce que l’on ne se sent pas capable de grimper les échelons de la hiérarchie autrement. Donc, la promotion canapé part souvent d’un manque de confiance en soi », ditelle. Et d’ajouter que pour certains, pour qui le sexe est banalisé, cela peut carrément représenter un… gain de temps ! Si l’on a grandi dans un environnement où cette conception du sexe est chose courante, l’on peut aussi reproduire le même schéma.
Le Dr Fanny Bauer-Motti tient toutefois à préciser que si l’on étudiait de près chaque personne qui passe par là, on trouverait sûrement des histoires de vie très différentes les unes des autres mais que dans tous les cas, il y aura des conséquences psychiques pour celui ou celle qui choisit de passer par des échanges sexuels pour « avoir » ou « évoluer ». Par exemple, la personne peut se sentir éternellement illégitime dans sa fonction alors qu’un autre chemin plus « éthique » l’aurait peut-être conduite au même stade. En clair, on peut coucher pour réussir, mais cette option n’est pas sans conséquences…