La réalité quotidienne des travailleurs pauvres

GENÈVE/ANTANANARIVO (OIT Infos) – Louisette Fanjamalala a travaillé dur toute sa vie. Pourtant, comme des millions de travailleurs pauvres sur la planète, elle gagne à peine de quoi survivre.

A Madagascar, Mme Fanjamalala vit avec quatre adolescents – deux sont les siens et deux qu’elle a adoptés. Ils logent dans une maison exiguë d’une seule pièce à Soavina, en périphérie d’Antananarivo, la capitale malgache. Son mari est parti il y a quelques années.

Pendant des années, elle a travaillé dans des usines textile, enchaînant des contrats à court terme et ne gagnant que 70 000 ariary (environ 20$) par mois dans certains cas et, au mieux, 300 000 ariary (environ 90 $). C’était juste assez pour nourrir sa famille. Maintenant, la situation est encore pire.

«J’ai de plus en plus de mal à me faire embaucher parce qu’on me trouve trop âgée. C’est dommage parce que je suis qualifiée, je travaille aussi vite et même mieux que les jeunes. Cependant, de nos jours, les services de ressources humaines rejettent généralement ma candidature sans même m’accorder un entretien», soupire-t-elle.

L’emploi vulnérable touche trois travailleurs sur quatre dans les pays en développement.»

Stefan Kühn, auteur principal du rapport Emploi et questions sociales dans le monde – Tendances 2018

Parce qu’elle a aussi été victime de violence au travail, Mme Fanjamalala a récemment reçu de l’aide d’un programme de l’OIT qui lui a permis d’acquérir  de nouvelles compétences et une machine à coudre. Elle gagne maintenant de l’argent en faisant de la couture à domicile pour les gens du voisinage. Elle confectionne aussi des vêtements et des rideaux qu’elle vend sur le marché local. Cependant, nourrir sa famille demeure un défi de tous les jours.

«L’histoire de Mme Fanjamalala est malheureusement monnaie courante à Madagascar et dans de nombreux pays en développement», explique Christian Ntsay, Directeur du Bureau de l’OIT à Antananarivo. «Il suffit de marcher dans les rues  et de parler aux gens pour réaliser que les conclusions du rapport Emploi et questions sociales dans le monde – Tendances 2018 sur l’emploi vulnérable et la pauvreté au travail traduisent une réalité que connaissent des millions de personnes», dit-il.

«Comme Louisette Fanjamalala, 93 pour cent des travailleurs malgaches n’ont d’autre choix que de travailler dans l’économie informelle pour survivre», ajoute M. Ntsay.

1,4 milliard de travailleurs dans l’emploi vulnérable

«La pauvreté au travail continue de reculer mais – une nouvelle fois – comme pour l’emploi vulnérable, les progrès stagnent», explique Stefan Kühn, auteur principal du rapport de l’OIT Emploi et questions sociales dans le monde – Tendances 2018.

«L’emploi vulnérable touche trois travailleurs sur quatre dans les pays en développement. On estime que près d’1,4 milliard de travailleurs occupaient un emploi vulnérable en 2017. Chaque année, il faut leur ajouter 17 millions de personnes supplémentaires.»

En 2017, l’extrême pauvreté au travail restait largement répandue, avec plus de 300 millions de travailleurs des pays émergents et en développement ayant un revenu du ménage ou une consommation par habitant de moins d’1,90$ par jour.

De manière générale, la réduction de la pauvreté au travail progresse trop lentement pour suivre le rythme d’accroissement de la main-d’œuvre dans les pays en développement où le nombre de personnes concernées par l’extrême pauvreté au travail devrait dépasser 114 millions en 2018, soit 40 pour cent du total des personnes employées.

«Les pays émergents ont accompli des progrès considérables dans la réduction de l’extrême pauvreté au travail. Elle devrait continuer à reculer, avec une réduction du nombre de travailleurs extrêmement pauvres de 10 millions par an en 2018 et 2019. Cependant, la pauvreté modérée au travail, dans laquelle les travailleurs vivent avec un revenu situé entre 1,90 et 3,10$ par jour, est toujours répandue et concernait 430 millions de travailleurs dans les pays émergents et les pays en développement en 2017», ajoute M. Kühn.

«Les conclusions du rapport nous rappellent que davantage d’efforts doivent être déployés pour réduire les inégalités et pour assurer de meilleures conditions de vie et de travail aux personnes comme Louisette Fanjamalala et les 1,4 milliard de travailleurs qui sont confrontés à une situation comparable à travers le monde», conclut-il.

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