« Une politique étrangère pour le peuple américain », par Antony Blinken

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Lorsque le président Biden m’a demandé de servir le pays, il a veillé à ce qu’il soit clair pour moi que mon travail consiste à produire des résultats pour vous, à rendre vos vies plus sûres, à créer des opportunités pour vous et vos familles, et à faire face aux crises mondiales qui façonnent de plus en plus votre avenir.

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Plus tard dans la journée, le président Biden partagera ce qu’on appelle les « orientations stratégiques provisoires » concernant notre sécurité nationale et notre politique étrangère. Elles donnent une première orientation à nos agences de sécurité nationale afin qu’elles puissent se mettre immédiatement au travail pendant que nous continuerons d’élaborer une stratégie de sécurité nationale plus approfondie au cours des prochains mois. Elles présentent le paysage mondial tel que le perçoit le gouvernement Biden ; elles expliquent les priorités de notre politique étrangère et la manière dont nous renouvellerons les forces de l’Amérique pour relever les défis et saisir les opportunités de notre époque.

Dans mon premier grand discours en tant que secrétaire, je vais donc vous expliquer comment la diplomatie américaine va mettre en œuvre la stratégie du président.

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Nous avons établi les priorités de la politique étrangère du gouvernement Biden en nous posant quelques questions simples : que signifiera notre politique étrangère pour les travailleurs américains et leurs familles ? Que devons-nous faire dans le monde pour être plus forts ici chez nous ? Et que devons-nous faire chez nous pour être plus forts dans le monde ?

Les réponses à ces questions ne sont pas les mêmes qu’en 2017 ou en 2009. Oui, beaucoup d’entre nous actuellement au service du gouvernement Biden étaient fiers de travailler pour le président Obama, y compris le président Biden. Et nous avons fait beaucoup de bon travail pour rétablir le leadership des États-Unis dans le monde afin de réaliser des percées diplomatiques durement acquises, comme l’accord qui a empêché l’Iran de produire une arme nucléaire, et de mobiliser le monde autour de la lutte contre le changement climatique. Notre politique étrangère correspond au moment présent, comme toute bonne politique étrangère doit le faire. Mais nous vivons à une époque différente, donc notre stratégie et notre approche sont différentes. Nous ne nous contentons pas de reprendre là où nous en étions, comme si les quatre dernières années n’avaient pas existé. Nous appréhendons le monde avec un regard neuf.

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Le leadership et les engagements américains sont importants. C’est ce que nous disent nos amis maintenant. Ils sont heureux que nous soyons de retour. Que cela nous plaise ou non, le monde ne s’organise pas tout seul. Lorsque les États-Unis se mettent en retrait, deux choses se produisent souvent : soit un autre pays tente de prendre notre place, mais pas d’une manière qui serve nos intérêts et nos valeurs. Ou bien – et c’est peut-être tout aussi grave – personne ne prend les devants, et alors c’est le chaos, avec tout son cortège de dangers. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas bon pour l’Amérique.

Un autre principe constant, c’est qu’il faut que les pays coopèrent, maintenant plus que jamais. Aucune nation agissant seule, pas même une nation aussi puissante que les États-Unis, ne peut relever les défis mondiaux qui nous affectent. Et il n’existe aucun mur assez haut ni assez solide pour contenir les changements qui transforment notre monde.

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Le président Biden s’est engagé à jouer à fond la carte de la diplomatie, car c’est la meilleure façon de faire face aux défis actuels. Dans le même temps, nous veillerons à ce que nos forces armées demeurent les plus puissantes du monde. Notre capacité à être des diplomates efficaces dépend dans une large mesure de la puissance de notre armée.

Et dans tout ce que nous ferons, nous chercherons non seulement à progresser sur les problèmes à court terme, mais aussi à nous attaquer à leurs causes profondes et à poser les bases de notre force à long terme. Comme le dit le président, il s’agit non seulement de reconstruire, mais de reconstruire en mieux.

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Premièrement, nous allons contenir la COVID-19 et renforcer la sécurité sanitaire mondiale.

La pandémie définit nos vies depuis plus d’un an. Pour la juguler, il faut que les gouvernements, les scientifiques, les entreprises et les populations du monde entier se mobilisent ensemble. Aucun d’entre nous ne sera totalement à l’abri tant que la majorité du monde ne sera pas immunisée, car tant que le virus se répliquera, il risque de muter en de nouvelles souches qui retrouveront le chemin de l’Amérique. Nous devons donc travailler en étroite collaboration avec nos partenaires pour faire avancer l’effort mondial de vaccination.

Dans le même temps, nous devons veiller à tirer les leçons qui s’imposent et à investir comme il se doit dans la sécurité sanitaire mondiale – notamment dans des outils capables de prévoir, de prévenir et de stopper les pandémies, et il faut que la communauté mondiale s’engage fermement à partager des informations exactes et sans tarder – afin qu’une crise comme celle-ci ne se reproduise plus jamais.

Deuxièmement, nous allons faire reculer la crise économique et construire une économie mondiale plus stable et plus inclusive.

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Nous devons adopter au niveau national les politiques qui conviennent, comme le plan d’aide pour lequel le président plaide résolument en ce moment, tout en nous efforçant de gérer l’économie mondiale de façon qu’elle profite réellement à la population américaine. Je ne parle pas seulement d’un PIB plus élevé ou de la hausse de la Bourse ; pour de nombreux ménages américains, ces indicateurs ne signifient pas grand-chose. Je pense à de bons emplois, à de bons revenus et à la baisse des coûts des ménages pour les travailleurs et les familles américaines.

Nous nous appuyons sur des leçons apprises à la dure. Certains d’entre nous ont plaidé dans le passé en faveur d’accords de libre-échange parce que nous pensions que les Américains partageraient largement les gains économiques et que ces accords façonneraient l’économie mondiale dans le sens que nous souhaitions. Nous avions de bonnes raisons de penser ainsi. Mais nous n’avons pas fait assez pour comprendre qui serait affecté de manière négative et ce qu’il faudrait faire pour atténuer leur détresse, ou pour appliquer les accords déjà en place ou pour aider davantage de travailleurs et de petites entreprises à en profiter pleinement.

Désormais, nous procéderons différemment. Nous nous battrons pour chaque emploi américain et pour les droits, les protections et les intérêts de tous les travailleurs américains. Nous utiliserons tous les outils possibles pour empêcher les pays de voler notre propriété intellectuelle ou de manipuler leur monnaie dans l’intention d’en retirer un avantage injuste. Nous lutterons contre la corruption, qui joue contre nous. Et nos politiques commerciales devront montrer très clairement comment elles permettront de faire croître la classe moyenne américaine, de créer des emplois nouveaux et meilleurs, et de faire le jeu de tous les Américains – pas seulement de ceux que l’économie favorise déjà.

Troisièmement, nous allons renouveler la démocratie, parce qu’elle est menacée.

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Plus nous pourrons, et d’autres démocraties avec nous, montrer au monde que nous sommes capables de tenir nos promesses – non seulement pour nos citoyens, mais aussi pour les uns et les autres – plus nous pourrons réfuter le mensonge que les pays autoritaires se plaisent à répéter, à savoir que leur modèle est le meilleur moyen de répondre aux besoins et aux espoirs fondamentaux des gens. C’est à nous de prouver qu’ils ont tort.

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Nous utiliserons la force de notre exemple. Nous encouragerons les autres à entreprendre des réformes essentielles, à abroger les mauvaises lois, à lutter contre la corruption et à mettre fin aux pratiques injustes. Nous encouragerons les comportements démocratiques.

Mais nous n’allons pas promouvoir la démocratie par des interventions militaires coûteuses ou en tentant de renverser des régimes autoritaires par la force. Nous avons déjà essayé ces tactiques dans le passé. Même si cela partait de bonnes intentions, elles n’ont pas abouti. Elles ont donné une mauvaise réputation à la « promotion de la démocratie » et elles ont perdu la confiance du peuple américain. Nous agirons différemment.

Quatrièmement, nous allons nous employer à créer un processus d’immigration humain et efficace.

Des frontières solides sont fondamentales pour notre sécurité nationale, et les lois sont le fondement de notre démocratie.

Mais nous avons également besoin d’une solution diplomatique, et simplement décente, au fait que, année après année, des personnes d’autres pays risquent tout pour essayer de venir ici. Nous devons nous attaquer aux causes profondes qui poussent tant de gens à fuir leurs foyers. Nous allons donc travailler en étroite collaboration avec d’autres pays, en particulier avec nos voisins d’Amérique centrale, pour les aider à améliorer leur sécurité matérielle et leurs débouchés économiques afin que les gens ne pensent pas que migrer est le seul moyen d’offrir une vie meilleure à leurs enfants.

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L’un des aspects les plus importants de notre identité nationale, c’est que nous sommes un pays d’immigrants. Le fait que des gens qui travaillent dur viennent ici pour faire des études, créer des entreprises et enrichir nos collectivités nous rend plus forts. Ces dernières années, nous avons pris nos distances vis-à-vis de cette partie de nous-mêmes. Nous devons rectifier le tir.

Cinquièmement, nous allons revitaliser nos liens avec nos alliés et partenaires.

Nos alliances sont ce que les militaires appellent des « multiplicateurs de force ». Elles sont notre atout unique. Nous accomplissons tellement plus avec elles que nous ne le ferions sans elles. Nous multiplions donc nos efforts actuellement afin de renouer avec nos amis et alliés, et de réinventer des partenariats créés il y a des années pour qu’ils soient adaptés aux défis d’aujourd’hui et de demain.

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Nous serons clairs sur le fait qu’un véritable partenariat signifie que nous devons porter les fardeaux ensemble. Chacun doit faire sa part, pas seulement nous.

Sixièmement, nous allons lutter contre la crise climatique et révolutionner les énergies vertes.

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La crise climatique nous met tous en danger et représente un coût de plus en plus élevé chaque mois, et nous ne pouvons pas y remédier seuls. Les États-Unis produisent 15 % de la pollution mondiale au carbone, un pourcentage important que nous devons absolument faire baisser. Mais même si nous parvenions à le ramener à zéro, ça ne résoudrait pas la crise parce que le reste du monde produit les 85 % restants. C’est la définition d’un problème sur lequel nous devons nous pencher ensemble, en tant que communauté de nations, pour le résoudre.

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Et ce faisant, nous devons également nous positionner de manière à tirer pleinement parti du marché mondial croissant des énergies renouvelables et à en être le chef de file. L’énergie éolienne et l’énergie solaire sont les sources de production d’électricité les moins chères du monde aujourd’hui. Elles ne sont plus les industries de l’avenir – l’avenir, c’est maintenant. Et d’autres pays sont en avance sur nous. Nous devons les rattraper et créer des millions d’emplois bien rémunérés pour les Américains dans le domaine des énergies renouvelables.

Septièmement, nous allons assurer notre position de leader dans le domaine de la technologie.

Une révolution technologique mondiale est en cours. Les principales puissances mondiales sont en compétition pour développer et déployer de nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle et l’informatique quantique qui pourraient influencer tous les aspects de notre quotidien : d’où vient notre électricité, comment nous travaillons, comment nous faisons la guerre, etc.

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Nous savons cependant que les nouvelles technologies ne sont pas systématiquement bénéfiques, et que ceux qui les utilisent n’ont pas toujours de bonnes intentions. Nous devons donc veiller à ce que les nouvelles technologies protègent la vie privée, qu’elles fassent du monde un lieu plus sûr et plus sain, et qu’elles rendent nos démocraties plus résilientes.

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Parallèlement, nous devons renforcer nos défenses technologiques et nos moyens de dissuasion. Prenons l’exemple du piratage de SolarWinds, une cyberattaque massive des réseaux du gouvernement américain l’année dernière, et nous pouvons constater à quel point nos adversaires sont déterminés à utiliser la technologie pour tenter de nous fragiliser.

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Et huitièmement, nous allons gérer le plus grand test géopolitique du XXIe siècle : notre relation avec la Chine.

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La Chine est le seul pays qui ait la puissance économique, diplomatique, militaire et technologique capable de remettre sérieusement en question le système international stable et ouvert – l’ensemble des règles, des valeurs et des relations qui font que le monde fonctionne comme nous le voulons, parce qu’il sert en fin de compte les intérêts et reflète les valeurs du peuple américain.

Notre relation avec la Chine sera concurrentielle quand elle devra l’être, collaborative quand elle pourra l’être et conflictuelle quand elle doit l’être. Le dénominateur commun est la nécessité de dialoguer avec la Chine en position de force.

Pour cela, il nous faut travailler avec les alliés et les partenaires, et non les dénigrer parce qu’il est beaucoup plus difficile pour la Chine d’ignorer notre poids combiné. Il nous faut recourir à la diplomatie et être présents dans les organisations internationales, parce que là où nous nous sommes retirés, la Chine a pris notre place. Il nous faut défendre nos valeurs quand les droits de l’Homme sont bafoués au Xinjiang ou quand la démocratie est foulée aux pieds à Hong Kong, parce que si nous ne les défendons pas, la Chine se comportera avec plus d’impunité encore. Et cela signifie investir dans les travailleurs, les entreprises et les technologies de l’Amérique, et insister sur des règles de jeu équitables, parce que si nous agissons ainsi, nous pouvons battre n’importe quel concurrent.

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En outre, ces priorités sont toutes simultanément des questions de politique intérieure et de politique étrangère. Et nous devons les aborder sous cet angle, ou alors nous ne serons pas à la hauteur.

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Plus qu’à tout autre moment de ma carrière – peut-être même de ma vie – les distinctions entre « politique intérieure » et « politique étrangère » ont tout simplement disparu. Notre renouveau interne et notre force dans le monde sont indissociables. Et notre manière de travailler reflétera cette réalité.

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