Mettre fin aux mesures coercitives unilatérales maintenant

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Réunion virtuelle du Conseil de sécurité organisée selon la formule Arria, le 25 novembre 2020, sur le thème « Mettre fin aux mesures coercitives unilatérales maintenant » par les missions permanentes de l’Afrique du Sud, de la Chine, de la Fédération de Russie, du Niger et de Saint-Vincent-et-les Grenadines.

Résumé établi par les coprésidents

Contexte

Le 25 novembre 2020, les missions permanentes de l’Afrique du Sud, de la Chine, de la Fédération de Russie, du Niger et de Saint-Vincent-et-les Grenadines auprès de l’Organisation des Nations Unies ont organisé conjointement une réunion virtuelle du Conseil de sécurité selon la formule Arria sur le thème « Mettre fin aux mesures coercitives unilatérales maintenant ». Les représentants de plus de 70 pays ont participé à la réunion, présidée par Zhang Jun, Ambassadeur et Représentant permanent de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies.

Mme Alena Douhan, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, M. Fermín Quiñones, Président de l’Asociación Cubana de las Naciones Unidas, M. Khaled Erksoussi, Secrétaire général du Croissant-Rouge arabe syrien, et M. Nhamo Mhiripiri, Professeur associé à la Midlands State University au Zimbabwe, ont fait des exposés sur les graves conséquences des mesures coercitives unilatérales.

Les mesures coercitives unilatérales désignent généralement les mesures économiques prises par un État pour en contraindre un autre à modifier sa politique. Parmi ces mesures, on citera par exemple les sanctions commerciales sous forme d’embargos et l’interruption des flux financiers et des investissements entre les pays émetteurs et les pays visés. Les mesures coercitives unilatérales sont contraires aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et au droit international, et portent gravement atteinte au développement économique et à la capacité sanitaire des pays touchés. Dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), les États Membres sont plus que jamais préoccupés par leurs effets négatifs. L’Assemblée générale adopte une résolution intitulée « Mesures économiques unilatérales utilisées pour exercer une pression politique et économique sur les pays en développement » tous les deux ans depuis 1989, une résolution intitulée « Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique » à chaque session depuis 1992 et une résolution intitulée « Droits de l’homme et mesures coercitives unilatérales » chaque année depuis 1997. Récemment, le Secrétaire général et la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme ont tous deux demandé que soient levées les sanctions qui entravaient la capacité des pays de faire face à la pandémie de COVID-19. Lors du débat général de la soixante-quinzième session de l’Assemblée générale, de nombreux dirigeants ont appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales. Le 5 octobre 2020, lors du débat général de la Troisième Commission de l’Assemblée générale, 26 pays ont demandé, dans une déclaration commune, la levée complète et immédiate des mesures coercitives unilatérales. Cette réunion était la toute première organisée selon la formule Arria sur les mesures coercitives unilatérales.

Observations et points essentiels des organisateurs

L’Ambassadeur Abdou Abarry, Représentant permanent du Niger auprès de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que les sanctions unilatérales ne garantissaient pas le respect scrupuleux des droits humains et du droit international, et que rien ne permettait d’affirmer qu’elles n’étaient pas des armes politiques au seul service de l’État qui les prenait. Leurs effets sur les populations étaient très souvent négatifs, et leur portée et leur impact sur les tiers contre-productifs ; c’était le cas notamment des interdictions sur le maintien de relations avec un pays faisant l’objet de sanctions. M. Abarry a appelé à la levée des sanctions ayant des répercussions sur les droits humains dans le contexte de la COVID-19.

L’Ambassadeur Jerry Matthews Matjila, Représentant permanent de l’Afrique du Sud auprès de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que les mesures coercitives unilatérales imposées par un État ou un groupe d’États portaient atteinte à la souveraineté des États concernés, bafouaient le droit international et entravaient les efforts faits par les nations pour réaliser les objectifs de développement durable. Au titre de l’Article 41 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité était la seule entité habilitée à imposer les mesures coercitives nécessaires pour garantir le respect du droit international. L’Afrique du Sud déplorait que, dans sa résolution 2532 (2020), le Conseil de sécurité n’ait pas pris en considération les mesures qui s’imposaient pour atténuer les effets des mesures coercitives unilatérales sur les efforts nationaux de lutte contre la pandémie de COVID-19 et la situation humanitaire dans les pays touchés. M. Matthews Matjila a réaffirmé la position de l’Union africaine, à savoir que les sanctions économiques contre le Zimbabwe et le Soudan devaient être levées pour permettre à leurs gouvernements de répondre de façon adéquate à la pandémie. Il fallait impérativement rester fidèles à l’engagement mondial pris par les délégations de ne laisser personne de côté.

L’Ambassadrice Halimah DeShong, Représentante permanente adjointe de Saint-Vincent-et-les Grenadines auprès de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que toutes les formes de mesures coercitives unilatérales, quels que soient leurs buts et intentions déclarés, étaient contraires aux buts de la Charte des Nations Unies et à la coopération multilatérale et contrevenaient gravement aux principes du droit international. En pleine pandémie mondiale, au moment où la coopération multilatérale était la plus nécessaire, ces mesures, dans leur but et dans leur principe, compromettaient l’unité mondiale. Mme DeShong a demandé à tous les pays puissants d’annuler leurs mesures coercitives unilatérales et de cesser d’exercer des contraintes préjudiciables sur les nations plus faibles.

L’Ambassadeur Vassily A. Nebenzia, Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que la délégation russe auprès de l’Organisation avait toujours souligné l’importance de la solidarité mondiale, du respect mutuel dans le cadre du multilatéralisme et des efforts conjoints. Toutefois, ces objectifs ne pouvaient être atteints tant que de nombreux pays en développement du monde feraient l’objet de mesures coercitives unilatérales. Il ne suffisait pas de répéter que de telles mesures étaient contraires à la Charte des Nations Unies. Elles portaient également atteinte au droit au développement. Les « dérogations pour raisons humanitaires » ne donnaient pas de résultats en pratique. M. Nebenzia a attiré l’attention sur l’initiative du Président Vladimir Poutine visant à établir des « corridors écologiques », principalement pour les biens essentiels, les aliments, les médicaments et les équipements de protection individuelle nécessaires afin de lutter contre la pandémie. Pour y donner suite, il a rappelé l’idée lancée récemment par la Russie de prévoir l’exercice, par les organismes des Nations Unies, avec l’aide du système redynamisé de coordonnatrices et coordonnateurs résidents, d’un contrôle de l’impact des mesures coercitives unilatérales sur le relèvement des pays de programme après la COVID-19.

L’Ambassadeur Zhang Jun, Représentant permanent de la Chine auprès de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que l’application de mesures coercitives unilatérales était contraire aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et au droit international. Ces mesures entravaient fortement le développement social et économique et nuisaient au bien-être de la population des pays concernés. Elles gênaient également les opérations humanitaires dans les pays vulnérables et affaiblissaient la capacité sanitaire des pays touchés ainsi que leur capacité de mobiliser des ressources pour lutter contre la pandémie de COVID-19. La nature illégale et les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales étant très clairement établis, la communauté internationale devait agir sans tarder pour mettre fin à ces mesures immédiatement.

Principaux points issus du débat

Mme Douhan a souligné que les sanctions unilatérales fragilisaient les mécanismes de coopération régionale et bilatérale existants. Pour les pays qui dépendaient des importations de denrées alimentaires, les sanctions unilatérales perturbaient les chaînes d’approvisionnement et de paiement existantes et entraînaient une augmentation des prix des denrées alimentaires et des médicaments. On ne pouvait pas attendre des pays qui imposaient des sanctions unilatérales qu’ils garantissent les droits humains alors qu’ils commettaient des violations de ces droits humains. Du fait de la pandémie de COVID-19, les effets négatifs des sanctions unilatérales sur la situation humanitaire étaient plus évidents et plus désastreux. Mme Douhan a noté que les sanctions unilatérales évoluaient et de nouveaux types, moyens, méthodes et objectifs apparaissaient, notamment en ligne. Le droit à la vie et le droit au développement étaient gravement touchés, et les femmes, les enfants, les réfugiés et les migrants étaient les plus vulnérables. Mme Douhan a proposé que les sanctions unilatérales soient réduites au minimum et que leur impact humanitaire soit pris en considération, de préférence sous le contrôle de l’Organisation des Nations Unies.

D’autres intervenants ont fait remarquer également que les civils étaient les plus grandes victimes des mesures coercitives unilatérales. Celles imposées par les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne entravaient l’accès aux soins de santé, à l’éducation, à l’eau potable et aux services de base, avaient de graves répercussions sur les flux de fonds, l’achat de biens et les établissements sanitaires des organismes humanitaires, faisaient obstacle à la reconstruction et au développement économique et aggravaient la pauvreté, en particulier dans les pays touchés par un conflit. Les mesures coercitives unilatérales limitaient également la circulation normale des personnes vers et depuis les pays touchés. Les « dérogations pour raisons humanitaires » ne fonctionnaient pas du tout. Tous les intervenants demandaient la levée immédiate des mesures coercitives unilatérales.

La majorité des délégations participantes se sont félicitées de l’organisation de la réunion et ont souligné ce qui suit :

a) Le fait que certains États et acteurs internationaux continuent de ne pas respecter les obligations que leur impose la Charte des Nations Unies et le droit international en recourant à des mesures coercitives unilatérales pour atteindre leurs propres objectifs devrait être une source de préoccupation pour l’ensemble de la communauté internationale ;

b) Les mesures coercitives unilatérales sont contraires aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et au droit international. Certains pays recourent aux mesures coercitives unilatérales pour réprimer des gouvernements souverains légitimes et même tenter d’obtenir un changement de régime. Contraires aux normes fondamentales régissant les relations internationales et extrêmement préjudiciables au multilatéralisme, ces pratiques menacent la paix et la sécurité internationales ;

c) L’effet négatif des mesures coercitives unilatérales a été affirmé à maintes reprises par l’Assemblée générale dans ses résolutions, ainsi que par le Conseil des droits de l’homme. Les mesures coercitives unilatérales compromettent gravement le développement socio-économique des pays touchés et le bien-être de leur population et portent atteinte au droit à la vie, à la santé et à une vie décente de ces populations. Dans presque tous les cas, les mesures coercitives unilatérales aggravent la situation humanitaire, voire créent une grave crise socio-économique et financière ;

d) Les régimes de sanctions du Conseil de sécurité devraient également être revus constamment pour faire en sorte qu’ils n’aient pas de conséquences sur le plan humanitaire ;

e) Il est demandé aux États de préférer le dialogue à la confrontation et le respect mutuel aux actes unilatéraux et à la coercition. Les mesures coercitives unilatérales ne font que séparer davantage les parties concernées des autres et perturber profondément les perspectives de rapprochement et de conciliation à long terme ;

f) Il est demandé de supprimer les mesures coercitives unilatérales, qui nuisent au développement socio-économique des pays et aux moyens de subsistance des populations. Cette pratique des mesures coercitives unilatérales doit cesser immédiatement et sans conditions préalables, en particulier dans les circonstances difficiles liées à la pandémie de COVID-19 ;

g) Le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, les États Membres, les coordonnateurs résidents des Nations Unies et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires devraient accorder une attention particulière aux effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur les pays concernés et leur population, et donner suite aux appels du Secrétaire général et de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme par des actions concrètes. Les organisations non gouvernementales, la société civile, les travailleurs humanitaires et les médias sont encouragés à réunir des informations sur les problèmes posés par les mesures coercitives unilatérales et à les faire connaître au monde entier dans le cadre d’un effort commun visant à faire cesser les pratiques déloyales.

Plusieurs délégations ont fait observer que les mesures coercitives unilatérales étaient des mesures appropriées, efficaces et légitimes qui respectaient pleinement le droit international et la Charte des Nations Unies, dans le cadre d’une stratégie globale et proportionnée. L’imposition de sanctions économiques était un moyen légitime d’atteindre des objectifs de politique étrangère et de sécurité et d’autres objectifs nationaux et internationaux. Rien ne montrait que les dérogations pour raisons humanitaires étaient inopérantes. Néanmoins, la majorité des délégations n’étaient pas de cet avis.

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