Publicité la vérité si je mens!

Une publicité efficace, capable de marquer les esprits et de convaincre, n’a pas besoin d’avoir recours à des artifices… du moins en théorie! Parce que dans la pratique, parfois, un petit mensonge ou une demi-vérité peut être habilement glissée dans le message publicitaire. Souvent aussi, il ne s’agit pas de mensonge en tant que tel, mais d’une exagération qui frôle l’escroquerie et qui donne tout son sens à l’expression « tromper sur la marchandise »…

CE QU’ON pourrait « objectivement » reprocher à la publicité en général, c’est d’en faire trop, d’en rajouter. Mais tout est relatif. La difficulté, pour ceux qui analysent cette forme de communication devenue véritable phénomène social et culturel, est de déterminer le degré d’exagération du message, de savoir si c’est l’intention du commanditaire (l’annonceur) ou alors le zèle du publicitaire. S’il est évident que les agences sont dans la surenchère afin de «faire fort», il faut aussi reconnaître qu’elles sont extrêmement habiles dans l’art de se dédouaner quand cela va trop loin, dans un secteur où l’éthique semble être à géométrie variable. Si la publicité se contentait de faire connaître un produit, un service, un événement ou une entreprise, avec des arguments objectifs pour attirer l’attention du public, elle n’aurait peut-être pas une telle envergure au point de provoquer d’intenses débats. Elle n’aurait pas une si grande influence sur le comportement du consommateur, à travers des stratégies soigneusement élaborées, basées sur une approche psychologique. C’est ce caractère manipulatoire qui est le plus souvent décrié et qui explique la mauvaise réputation de ce secteur d’activité.

Dans la publicité, une demivérité par rapport à un produit n’est pas nécessairement un mensonge, mais demeure répréhensible car susceptible d’occasionner des désagréments au consommateur. Une demi-vérité peut être une imprécision intentionnelle ou simplement un fait que l’annonceur ou le publicitaire ignore au moment où la campagne est lancée et le produit est mis en vente, en particulier s’il est commercialisé pour la première fois.

BONNE FOI?

A Maurice, c’est surtout de bouche à oreille qu’on apprendra si un produit a des effets indésirables ou s’il ne tient pas ses promesses. Et c’est seulement si de nombreux cas sont « rapportés » aux autorités concernées que des actions correctives seront prises. Mais la marge de manœuvre demeure restreinte. Par exemple aucune publicité ne dira que le thé vert diminue la capacité du corps à fixer le calcium et le fer… La publicité vantera les vertus amincissantes et diurétiques du produit, sans mentionner cet élément « vital», en particulier dans le cadre d’un régime alimentaire. On ne peut pourtant pas parler de publicité mensongère dans un cas pareil, et les autorités ne peuvent forcer l’annonceur à inclure cette information sur l’emballage ou dans le message publicitaire. Ce genre d’omission, délibérée ou commise par ignorance/méconnaissance est fréquente mais ne peut être efficacement contrôlée même dans le cadre des règlementations en vigueur. C’est toujours la froide raison mercantile qui l’emporte. Avec sa prodigieuse habileté à mythifier certains produits, par exemple l’aloe vera et le fameux « noni ». On invoque la science, on fait référence à des « tests », des statistiques, des études, des témoignages (de clients satisfaits ou de professionnels de la médecine recommandant l’utilisation du produit)…

On sait que l’aloe vera est riche en protéines et en vitamines, mais l’efficacité de ses propriétés thérapeutiques n’est pas prouvée. Néanmoins, elles sont systématiquement mises en avant dans les publicités alors que sa toxicité, à haute dose, n’est jamais mentionnée. Idem pour le jus de noni, présenté (même par certains journalistes) comme un produit miracle capable de guérir de nombreuses maladies, alors que la US Food and Drug Administration a notamment adressé une sévère mise en garde aux producteurs par rapport à leurs « unsupported health claims ». Ce qui n’empêche pas pour autant ces produits d’avoir la cote, grâce encore une fois à des formules publicitaires qui court-circuitent toute analyse rationnelle, surtout quand elles sont martelées ad nauseam.

MANOEUVRE FRAUDULEUSE

Au niveau des produits de beauté, c’est également les formules qui l’emportent sur la formulation… On aura l’incontournable « testé sous contrôle dermatologique» (que personne ne sera en mesure de confirmer), les « tests cliniques réalisés» auprès d’un nombre spécifique de personnes, ainsi qu’un nombre impressionnant d’adjectifs pompeux… Mais tout cela ne constitue pas d’entorse à proprement parler aux lois. La manœuvre est peut-être frauduleuse mais encore faut-il pouvoir prouver le délit d’escroquerie. Le Code de la consommation en France interdit « toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ».
A Maurice, les règlements en vigueur interdisent aux annonceurs de mentir sur les qualités d’un produit mis en vente : «Advertisements should be decent, honest and truthful. » Le Code of Advertising Practice de l’Independent Broadcasting Authority stipule également que «No advertisement should contain any description, claim or illustration which expressly or by implication departs from truth or misleads about the product or service advertised or about its suitability for the purpose recommended. » Mais contrairement à d’autres pays où des entreprises et grandes marques sont régulièrement rappelées à l’ordre ou épinglées pour pratiques commerciales trompeuses, à Maurice les autorités restent assez frileuses quand il s’agit d’intervenir. Peut-être pour éviter à tout prix une mauvaise… publicité !

Read Previous

Océan indien zone à risque

Read Next

Psychologie : Comment vaincre les obstacles

Leave a Reply