Mauritius Telecom : Isolation, pression et démissions

Mercredi 1er Juin 2011

Au moment même où ils faisaient leurs preuves en France, les plans NEXT (Nouvelle expérience des télécoms) et ACT (Anticipation et compétences pour la transformation) étaient appliqués à Maurice. Les grandes lignes stratégiques étaient quasiment les mêmes : isoler l’employé et le forcer, grâce à divers moyens de pression, à accepter des changements imposés par la direction ou à s’en aller

 

En novembre 2000, lorsque le gouvernement décide de vendre 40 % des actions de Mauritius Telecom à France Télécom, cette décision suscite de nombreuses interpellations parlementaires. Les syndicats sont également unanimes à dénoncer cet acte comme allant à l’encontre des intérêts du pays. Les raisons avancées à l’époque font référence à l’incompatibilité culturelle et la différence fondamentale dans les objectifs des deux entités, ainsi que dans les méthodes appliquées. Néanmoins, le nouveau régime MSM/MMM alors au pouvoir s’empresse de conclure la vente afin de générer des fonds pour financer le budget du pays. Bien que d’autres options étaient envisageables, tel que l’achat des actions par le Fonds national de Pension, des raisons géopolitiques furent secrètement évoquées dans les coulisses du pouvoir pour expliquer la voie choisie.

DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT

Le gouvernement, pour qui cette vente se situe dans le cadre d’un désengagement prescrit par le Fonds monétaire International, se réjouit également de l’apport technologique et stratégique de France Télécom. La compagnie nationale de télécommunications, alors de loin la plus profitable du pays, a déjà investi, à l’époque, dans plusieurs sociétés à fort potentiel dans la région, notamment à Madagascar, au Mozambique et au Kenya.

Mais alors qu’il compte sur l’expertise de France Télécom pour accroître sa part du marché régional, Mauritius Telecom va entamer un net recul dans ce secteur.

Pour France Télécom, la réalité est différente. Michel Bon, le PDG d’alors de France Télécom, devait même déclarer dans son discours, lors de sa visite à l’île Maurice, qu’il s’agissait là d’une aubaine à ne pas manquer.

Ils n’y failliront pas. Le premier souci de France Télécom était de monopoliser l’approvisionnement de Mauritius Telecom en biens et services. Tous les achats allaient dorénavant automatiquement passer par la centrale d’achat française ‘Top Sourcing’, ce qui n’était pas forcément dans l’intérêt des actionnaires mauriciens.

Mais le plus grand mal allait être le renversement des rapports de force au sein du personnel. Plusieurs cadres sont choisis pour être des collaborateurs du projet NEXT. Ils suivent alors des cours intensifs à la société Obifive sur les nouvelles méthodes préconisées.

RELATIONS SYNDICALES

Il est évident, dès le départ, que pour arriver à leurs fins, il leur faut créer un ensemble de conditions favorables, notamment la fragmentation des relations syndicales, des plans de retraite volontaire et une utilisation maximale du prochain exercice de révision salariale.

A l’époque, des trois syndicats existant au sein de Mauritius Telecom, seule la Telecommunications Workers Union (TWU) se montre intransigeante. La Mauritius Telecom Employees Association (MTEA) est une opposition gérable, alors que la Telecommunications Employees and Staff Association (TESA) affiche une certaine complaisance qui s’explique par le fait que ses membres sont issus principalement des rangs des cadres administratifs.

Contrairement aux pratiques précédentes, la direction décide de façon unilatérale de nommer un commissaire en charge des salaires, en l’occurrence Beejaye Coomar Appanah, l’ancien commissaire du Pay Research Bureau (PRB). Chose que conteste la TWU, car une telle nomination doit être collective.

Ignorant les contestations, le directeur du département des ressources humaines, Shashi Puddoo, va de l’avant avec l’exercice de révision salariale. Comme indiqué par Beejaye Coomar Appanah dans le sommaire de son rapport, il reçoit alors les propositions de France Télécom, du Chief Operating Officer (COO), qui est de France Télécom, du Chief Financial Officer (CFO), lui aussi issu de FT, des membres de la direction de Mauritius Telecom, des deux syndicats MTEA et TESA, ainsi que de Shashi Puddoo, tous individuellement.

Alors que le rapport du commissaire doit être publié début août, on assiste, le 29 du même mois, aux licenciements d’Indiren Carpanen, secrétaire de la TWU, et de Raj Rughoonath, président de la MTEA. Raison évoquée : communication illégale avec la presse.

Profitant de la panique sans précédent chez les employés, la direction des ressources humaines réussit un véritable coup de maître en publiant dans la foulée le fameux rapport Appanah. Elle donne une semaine aux employés pour remettre leur fiche d’acceptation. Forte de l’opinion publique, la TWU se lance alors dans une rude bataille de communication et parvient à rassembler les employés contre les dangers du rapport Appanah.

Mais la direction dispose d’autres cartes. Elle s’appuie ainsi sur une demande de la TESA pour étendre le délai accordé, le temps qu’entrent en jeu les méthodes du plan ACT. Menaces, transferts, promotions et autres méthodes sont utilisés pour forcer les employés à accepter le rapport dans son intégralité.

La TWU adresse alors une lettre à la direction pour faire part de ces abus et réclamer une enquête. Mais en bon élève,la direction des ressources humaines joue au sourd-muet. Effrayés par le sort des deux syndicalistes, Indiren Carpanen, réputé pour être un dur, et Raj Rughoonath, un habitué du 18ème étage, les employés céderont petit à petit aux pressions.

Huit mois plus tard, suite aux manifestations au niveau national et international, le Conseil des ministres intervient pour ordonner la réintégration sans condition des deux syndicalistes.

Commence alors le combat légal pour préserver les droits acquis remis en question par Beejaye Coomar Appanah. Mais la TWU connaît une importante défaite au tribunal d’arbitrage lorsque le cas est jugé recevable uniquement pour la minorité d’employés qui n’a pas épousé les recommandations du rapport Appanah.

Cette situation fait qu’à quelques semaines du démarrage de la nouvelle révision salariale, plus d’une centaine d’employés attendent toujours de bénéficier de celle de 2008.

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