Violence psychologique : Le mal invisible

La violence psychologique, si elle est invisible, est tout aussi destructrice et répandue que la violence physique. Nombreuses sont les femmes à la subir sans l’identifier. Baisse d’estime de soi, aliénation, séquelle traumatique, les conséquences sont intérieures mais impactent sur la santé physique. Pour la combattre, il faut apprendre à la reconnaître

La violence psychologique est insidieuse, souvent peu accessible aux yeux des observateurs, ce qui rend les femmes soumises à ces formes de maltraitance morale très vulnérables et isolées. Au cœur du couple, dans la sphère professionnelle ou intime, le harcèlement moral, le dénigrement ou la volonté de soumettre une femme à une forme d’autorité masculine restent encore bien ancrés dans les mœurs sociétales, ici comme ailleurs.

Difficilement repérable

Il n’existe pas de définition universelle, car les modalités et les formes que prennent cette violence et cette maltraitance sont tributaires de la culture d’appartenance. Le problème est que peu de signaux et de repères sont susceptibles de nous indiquer à quel moment la violence psychologique s’exerce. Paradoxalement en apparence, celle qui la subit est la moins bien placée pour s’en rendre compte, analyser ce qui se passe. Cette violence n’est guère identifiable par la femme elle-même, ou par son entourage. Car, souvent, nous acceptons ce que nous vivons comme normal, surtout si cela nous est présenté comme tel.

Baisse d’estime de soi, impression de mériter les remarques dénigrantes, dans le couple, il est bien difficile pour une femme de faire face à la violence psychologique, qui parfois même est vécue comme méritée. Et sur le terrain professionnel, si la violence est plus repérable, parce qu’il y a des éléments de comparaison, par exemple une différence de traitement par rapport aux collègues, la peur de perdre ce que l’on a ou de ne pas être entendues limite les femmes dans leurs moyens d’action. Autre mécanisme psychique à l’œuvre : la victime qui finit par se sentir coupable, responsable d’une certaine façon de ce qui lui arrive, s’enferme dans un sentiment de honte qui contribue à la réduire au silence.

Actes et conséquences

Rejeter la femme de par son statut de femme, l’isoler, la terroriser, lui ôter son droit de parole, la rabaisser, lui donner à entendre qu’elle n’a pas de valeur, constitue en soi des violences psychologiques.

Au travail, les remarques sexistes, les allusions douteuses, la pression liée au statut des femmes, les insultes, les critiques injustifiées, le harcèlement moral, sont une forme de violence psychologique et nous sommes beaucoup à le vivre sur notre terrain professionnel. S’en défendre n’est pas facile, car cela implique d’entrer dans un rapport de force et de refuser ce qui est parfois accepté par tout le monde. Mais où commence vraiment le harcèlement ? A la limite de ce que la femme accepte comme normalité. Des repères sont à prendre en compte : si les remarques sont récurrentes, visent à vous rabaisser, portent sur votre statut de femme…

Les conséquences des actes de violence psychologique sont autant d’ordre moral que physique : dépression, anxiété, somatisation (maux de tête persistants, douleurs dans le dos et les membres, problèmes d’estomac, insomnie), anxiété exacerbée, perte d’estime de soi, incapacité à la prise de décision, culpabilité… Le panel des symptômes que crée cette violence invisible est immense, car les blessures sont intériorisées et touchent à l’identité même de la personne qui a vécu le traumatisme.

Conditionnement culturel

Nous sommes tous, femmes ou hommes, pris dans une société donnée avec ses codes et ses repères. Si dans certains pays la violence psychologique commence dans des commentaires douteux sur le statut de femme, dans d’autres pays, ces mêmes propos ne sont en rien considérés comme violence morale. Idem pour la violence physique : ce qui est vécu comme violent à Maurice ne l’est pas forcément en Équateur, où 80 % des femmes estiment que les coups qu’elles ont reçus sont la résultante de leur mauvais comportement, comme l’indique un récent rapport de Médecins du Monde. Notre culture nous conditionne à accepter certaines choses et à en refuser d’autres.

La violence psychologique est, en ceci, difficile à repérer puisqu’elle joue sur des ressorts souvent difficilement identifiables : la confiance que nous avons en nous-même, l’impression que nous avons vraiment mal fait, l’habitude que nous avons prise de subir ou d’écouter des remarques douteuses ou sexuelles sur notre lieu de travail commençant dès notre plus jeune âge dans les cours d’école. Le regard que nous portons sur le monde est pris dans la société qui nous a façonnés. Pour arriver à en sortir, il peut être indispensable de comprendre ces normes que nous avons intériorisées, et de prendre du recul par rapport à elles.

A titre d’exemple, nous, les femmes, sommes habituées à craindre de marcher dehors seule la nuit, ou à éviter d’attendre seule un ou une amie dans un bar, comme si c’était un comportement s’apparentant à une prise de risque qui implique comme une conséquence logique l’agression éventuelle. Cette peur est absente de l’inconscient général des hommes. Cette peur d’être attaquée, agressée, est une angoisse tellement bien intériorisée qu’elle est vécue comme totalement normale car nous nous vivons nous-mêmes comme plus fragiles qu’un homme, mais face à qui ? Aux hommes.

Cependant la normalité est faite pour évoluer, et le premier pas doit être accompli par nous-mêmes, les femmes, en refusant justement de parler de la place de femme telle qu’elle nous est attribuée. Nous devons, bien au contraire, nous estimer légitimes à prendre la parole en tant qu’être humain, observateur du monde au même titre que nos partenaires de l’autre sexe. C’est de nos différences que doit naître l’équité.

 

Fanny Bauer-Motti, Directrice de Think&BE LTD

Psychologue, psychanalyste et coach

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